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Leur société
Fusion Suez-GDF : Gag de France
C'est à partir du jeudi 7 septembre que la Chambre des députés doit débattre pour savoir si elle autorise Gaz de France, entreprise majoritairement publique, à fusionner avec Suez, entreprise privée. Cette fusion ferait du nouveau groupe Suez-GDF une entreprise privée, avec une participation minoritaire de capitaux publics.
Les partis de gauche se sont prononcés contre la fusion, et ils ont déposé 137000 amendements au projet de loi. Il s'agit d'une bataille de procédure simplement destinée à amuser la galerie car elle n'empêchera rien. Elle rendra peut-être même service au gouvernement. En effet, une partie des députés de la majorité étant réticente à voter le projet, il pourrait s'avérer commode pour Villepin de masquer ces dissensions internes en prétextant la montagne d'amendements de la gauche pour passer en force, sans vote par l'Assemblée, grâce au recours à l'article 49-3, comme la Constitution l'y autorise.
Mais ces péripéties parlementaires n'ont guère d'importance. Ce qui compte c'est l'opération elle-même, aboutissement de tout un processus.
D'EDF-GDF...
Jusqu'en 2004, il existait une seule entreprise d'État, EGF, Electricité-Gaz de France, avec monopole, sinon de la production, du moins de la commercialisation de l'électricité et du gaz.
Cette année-là, l'Assemblée nationale a décidé de la séparation de GDF et d'EDF, en même temps que le changement de leurs statuts: elles devenaient des sociétés anonymes, donc susceptibles de s'ouvrir à des capitaux privés. Dans la foulée, le réseau de transport électrique devenait le RTE séparé d'EDF (bien que filiale) et la même chose avait lieu pour le transport du gaz.
Cela s'est réalisé dans le cadre de bouleversements à l'échelle européenne. Partout les monopoles publics ont été privatisés et la concurrence introduite par l'ouverture des marchés. La raison avancée pour justifier ces opérations était que la concurrence allait faire baisser les prix avec en filigrane l'idée que le secteur privé était censé être plus performant que le public.
La réalité a bien vite montré que c'était l'inverse qui était vrai.
Avant même que EDF et GDF soient séparés et ouverts aux capitaux privés, ils se sont mis en «ordre de bataille» afin de devenir des groupes financièrement très importants, au niveau européen, et même mondial. C'est ainsi qu'EDF a acheté à tour de bras des sociétés étrangères (en Grande-Bretagne, en Amérique du Sud (revendus depuis), en Europe continentale, etc). Et les énormes dépenses de ces acquisitions ont entraîné une remontée des tarifs de l'électricité, lesquels baissaient lentement depuis quelques années. Quant à GDF, à plus petite échelle, elle a aussi acheté des sociétés étrangères.
... À GDF contre EDF
Maintenant qu'ils sont séparés, la logique d'entreprises concurrentes a fait que GDF est devenu le principal adversaire d'EDF et réciproquement. Et les deux se font une guerre acharnée, comme le montrent leurs campagnes publicitaires. Et puisque les clients demandent généralement à la fois du gaz et de l'électricité, GDF s'est mis à essayer de produire du courant électrique ou a tenté de s'associer à un producteur d'électricité. Tandis que parallèlement EDF tente de trouver un allié chez les producteurs de gaz.
A l'échelle de l'ensemble de l'Europe, les tarifs de l'électricité ont considérablement augmenté, quant à ceux du gaz, indexés sur les cours du pétrole, de par la volonté des trusts pétroliers, ils ont tout simplement explosé.
De l'OPA dans le gaz
La logique capitaliste a aussi produit cette conséquence que les entreprises privées, gazières ou électriques, sont soumises comme les autres aux risques des OPA.
Ce n'est pas Gaz de France qui a été visé (bien qu'il aurait pu l'être) c'est un troisième luron, le groupe Suez. Car le groupe italien ENEL dont une des activités principales est la production d'électricité a voulu s'emparer de Suez, dont il convoite le secteur électrique Electrabel.
Et c'est pour «sauver» le «français» Suez (en réalité franco-belge affublé d'un nom égyptien) que le gouvernement a décidé de le marier avec Gaz de France, ou plus exactement de lui en faire cadeau. En espérant (mais rien n'est garanti) que personne n'aura les reins assez solides pour avaler ensuite l'ensemble Suez-GDF.
Autrement dit, il s'agit de défendre les intérêts d'un groupe purement privé (Suez) en lui offrant GDF, une entreprise encore publique pour l'essentiel, et en lui permettant aussi de faire main basse sur les 1,75 milliard d'euros de profits de Gaz de France.
Tant pis pour les consommateurs! Tant pis pour le personnel!
Les gros actionnaires de Suez passent avant tout.