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Dans le monde
Culture des fleurs en Afrique : Parfum d’exploitation
Au Kenya, la production de fleurs coupées pour le marché européen est devenue ces dernières années un secteur important de l'économie. Les conditions climatiques plus favorables qu'en Europe, et surtout la main-d'oeuvre moins chère, ont conduit de grandes entreprises horticoles, souvent européennes, à installer là-bas d'immenses fermes spécialisées dans la floriculture. Certaines d'entre elles s'étendent sur des centaines d'hectares et emploient plus de 10000 travailleurs.
Pour produire des fleurs à la qualité parfaite, les produits les plus performants sont utilisés dans ces fermes, pour lutter contre les parasites et les maladies. Les techniques les plus modernes sont mises en oeuvre pour ensuite les acheminer en quarante-huit heures à plusieurs milliers de kilomètres, et ce en maintenant en permanence la chaîne du froid et un taux d'humidité adéquat, deux conditions indispensables à leur bonne tenue.
Mais si les fleurs sont bichonnées, il en va tout autrement des salariés. Les employés de ces fermes sont le plus souvent des femmes qui n'ont pas d'autre possibilité de travail. Embauchées comme salariées temporaires, elles peuvent être renvoyées à tout moment; c'est le cas, par exemple, quand elles tombent enceintes. Elles ne touchent généralement guère plus de un euro par jour. Aux périodes de pointe pour la vente, comme lors de la Fête des Mères ou de la Saint-Valentin, les heures supplémentaires ne se comptent plus. Constamment au contact de résidus de pesticides, les ouvrières risquent des cancers, de faire des fausses couches ou bien encore de donner naissance à des enfants mal formés.
Pour mieux vendre leurs fleurs en Europe, certains patrons de la floriculture kenyane se sont regroupés en une association, le Kenya Flower Council (KFC), censée offrir de meilleures conditions de travail à leurs employées. Mais si ce label peut influencer des acheteurs européens, pour les salariés kenyans les conditions de travail et de salaires ne changent pas vraiment.
Le «label» prévoit par exemple de verser des salaires supérieurs au minimum fixé par le gouvernement kenyan, mais ce minimum n'est que de... 22 euros par mois! Les producteurs qui rejoignent le KFC disposent de douze mois pour se mettre aux normes, des normes contrôlées par... le KFC lui-même. D'autres labels contrôlés par des officines extérieures existent, comme Flower Label Program et Max Havelaar. Ils sont censés assurer des conditions de travail et des salaires un peu meilleurs, mais ne concernent qu'un petit nombre de sociétés.
Dans la recherche d'une main-d'oeuvre moins chère et plus rentable, le Kenya est depuis peu concurrencé par l'Éthiopie, aux coûts de production inférieurs de 15% et qui, de plus, a accès au marché européen sans droit de douane, du fait de son statut de «pays en développement moins avancé» (PMA). En Éthiopie, la culture des fleurs se fait sous d'immenses serres. Les conditions de travail y sont très dures, alors que les techniques sont les plus élaborées: aération et arrosage automatisés, gérés par ordinateur en fonction des conditions climatiques...
Le capitalisme est capable de performances quand il s'agit de profits. Mais quand il s'agit des salaires et des conditions de travail, c'est le rendement qui prime, c'est-à-dire l'exploitation maximum.