Villepin et ses ministres défendent leur emploi : Les chômeurs toujours au fond du tunnel03/08/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/08/une1983.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Villepin et ses ministres défendent leur emploi : Les chômeurs toujours au fond du tunnel

La veille du départ en congé du gouvernement, Villepin accompagné de quelques ministres a fait un show médiatique dans les Yvelines, à Mantes-la-Jolie, au milieu d'un quartier populaire durement touché par le chômage. Après s'être fait filmé croquant un sandwich-merguez de circonstance, il a tenu à se féliciter lui-même de sa politique, et tout particulièrement de celle qui se rapporterait à l'emploi.Emporté par son élan et les chiffres officiels du chômage qui venaient de tomber, il a déclaré: «La baisse du chômage, ce n'est pas un hasard du calendrier. Elle ne résulte pas de l'évolution démographique, comme certains le prétendent. (...) La baisse du chômage, c'est le résultat d'une politique et volontariste. Il faut maintenant que cette baisse s'amplifie, qu'elle s'installe dans la durée.»

En réalité la diminution du nombre de chômeurs officiellement recensés, 25000 en juin selon le gouvernement, relève avant tout d'un traitement des statistiques, et pas d'un retour à l'emploi ou d'une baisse des licenciements.

Il ne faut pas grand-chose pour sortir des statistiques du chômage. Tout d'abord travailler à temps partiel. Et puis ne pas envoyer à temps le courrier demandé, ne pas avoir pu répondre à une convocation, et voilà le chômeur radié, sorti des statistiques et de l'indemnisation à laquelle il peut avoir droit, le temps qu'il aille se mettre en règle auprès de l'ANPE ou des Assedic. Cela peut prendre des jours, des semaines et parfois des mois. Des dizaines de milliers de chômeurs tombent chaque mois dans cette catégorie.

Et puis il y a plus grave, il y a le fait de ne pas manifester, selon les critères tout à fait subjectifs de l'administration, «d'un effort suffisant dans la recherche d'un emploi». Les agents de l'ANPE peuvent radier un chômeur coupable de ce manque «d'effort». Il s'agit alors d'une radiation définitive. La majorité des agents de l'ANPE, malgré les pressions, rechignent à s'engager dans cette voie.

Cette année, le gouvernement a fait adopter des règles de suspension progressive de rémunération, en même temps qu'il instaurait une convocation mensuelle des chômeurs et augmentait encore la pression sur les agents pour accroître les radiations administratives. Ce que savent les agents ANPE et les chômeurs, c'est qu'il ne s'agit pas de proposer un travail correspondant, peu ou prou, à l'ancien emploi des chômeurs. Ce type d'emploi l'ANPE en a très peu, et ils sont immédiatement pris. Il s'agit en réalité de réclamer au chômeur de fournir la preuve de dizaines de rendez-vous auprès d'employeurs, voire d'accepter un emploi précaire à temps partiel, payé largement en dessous de son indemnité chômage. Le chômeur se trouvant pris au piège entre le risque d'être radié et celui de voir non seulement ses indemnités chômage fortement diminuées à la fin de ce contrat, mais de voir aussi ses droits à la retraite fortement réduits pour le restant de sa vie. Les pressions pour amener les employés de l'ANPE à faire ce travail de radiation ont été tellement fortes qu'elles ont provoqué plusieurs grèves, dont encore une récemment, d'agents de l'ANPE protestant contre le rôle qu'on voulait leur faire jouer.

Alors tous les discours des ministres contents d'eux ne peuvent cacher cette réalité dénoncée par les agents de l'ANPE eux-mêmes.

D'ailleurs une des premières causes de sortie des statistiques est le découragement de centaines de milliers de chômeurs qui ont perdu tout droit à l'indemnisation et qui ne voient plus ce qu'ils auraient à faire avec l'ANPE. Les nouvelles règles d'indemnisation du chômage, en place depuis 2004, ont fortement réduit la durée de l'indemnisation de toutes les catégories de chômeurs, aussi bien les salariés en contrats précaires,(intérim, CDD etc.), que les chômeurs les plus âgés, qui sont le public le plus fragile. De plus les règles d'indemnisation de l'allocation de fin de droit, l'ASS, ont été fortement revues à la baisse. Tous ces chômeurs, qui de proche en proche ne sont plus indemnisés, qui sont restés à l'ANPE des années sans qu'on ne leur propose un seul emploi, perdent courage et ne voient plus l'utilité de continuer à pointer à l'ANPE. Du coup ils se trouvent radiés définitivement. C'est de cette façon que des centaines de milliers de chômeurs sortent ainsi des statistiques officielles sans avoir le moins du monde retrouvé un travail. Ils sont pourtant les plus atteints par le fléau du chômage. Mais par le miracle des mesures gouvernementales ils ont disparu des statistiques et cela suffit au bonheur du gouvernement.

D'ailleurs pour illustrer le caractère artificiel des chiffres fournis par Villepin, il suffit de regarder l'évolution du nombre de chômeurs quittant l'ANPE parce qu'ils ont retrouvé un travail, ce qui serait la voie normale. La CGT vient de signaler que les sorties de l'ANPE pour cause de «reprise d'emploi» seraient en recul de 0,8%. Ce qui illustre bien que l'autosatisfaction du gouvernement relève du bluff.

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