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Editorial
Le sport, les affaires et la politique
Derrière le spectacle que la Coupe du monde de football a offert ces dernières semaines, il n'y avait pas que l'engouement du public pour un sport populaire dans la plupart des pays du monde, même si la plupart des commentateurs évitaient de trop s'étendre sur ces autres sujets.
Le business était aussi présent, et même les affaires au sens commercial du terme. Pour les équipementiers sportifs, tel Adidas ou Nike, les résultats sportifs comptaient bien moins que les bénéfices qu'ils pourraient retirer de cette extraordinaire campagne de promotion. Pour les chaînes de télévision qui avaient raflé le monopole de la diffusion des matchs, ce qu'elles attendaient du Mondial, c'étaient les profits qu'elles pourraient retirer des «espaces publicitaires» qui encadraient chaque mi-temps. Et c'est tout un symbole de cette emprise du fric sur le sport que l'équipe d'Italie, gagnante de cette coupe, soit au coeur d'un scandale portant sur des matchs truqués, c'est-à-dire sur des dirigeants, des joueurs, et des arbitres remplaçant la «noble incertitude du sport» par l'intervention de gros chèques.
Mais la politique, celle des classes dirigeantes, était aussi présente. Et pas seulement parce que, dans ce qui se prétend une fête mondiale, chaque rencontre est précédée des hymnes nationaux de chaque équipe.
La politique était aussi visible, quoique beaucoup plus insidieuse, dans tous les commentaires sur le fait que, grâce au «Onze de France», l'unité nationale était réalisée dans la communion avec l'équipe française, et que c'était ce qu'il y avait de meilleur pour le pays.
Parmi les gens qui, dans la discrétion des conseils d'administration des grandes sociétés industrielles ou financières, décident de suppressions d'emplois, de licenciements, voire de fermetures d'entreprises, pour augmenter encore et toujours leurs profits, il y en a peut-être qui aiment le football. Mais ils aiment encore bien plus leur porte-feuille. Alors quels intérêts des travailleurs jetés à la rue, ou maintenus dans la précarité, ou sous-payés, peuvent-ils avoir en commun avec ces grands patrons?
Les travailleurs auraient bien tort de croire qu'ils peuvent avoir quelque chose de commun avec des hommes politiques qui laissent se dégrader les services publics, refusent les crédits nécessaires aux hôpitaux et aux écoles, ne font rien pour loger décemment les millions de personnes mal logées, parce qu'ils préfèrent que les finances de l'État soient utilisées pour faire des cadeaux aux patrons et qui, la main sur le coeur, prétendent se passionner pour le mondial par simple calcul électoral.
Les travailleurs qui arrivent à l'âge de la retraite vont toucher des pensions de plus en plus réduites, les familles populaires vont avoir de plus en plus de mal à accéder aux soins, parce que là aussi les hommes qui nous gouvernent sont prêts à rendre de plus en plus précaire le sort des plus nécessiteux, pour pouvoir offrir des diminutions de cotisations sociales au patronat.
Les classes dominantes, les politiciens à leur service, ne cessent de déclarer que la lutte des classes appartient au passé. Mais la lutte des classes, ils la mènent sans relâche contre le monde du travail, et dans le contexte de la crise, ils ont effectivement réussi à accroître leur fortune au détriment de la population laborieuse qui a vu au contraire ses ressources, ses conditions de vie et de travail, s'aggraver sans cesse.
Si le patronat et les politiciens chantent les mérites de l'union nationale, c'est pour camoufler tout cela... et pour exhorter les travailleurs à consentir à de nouveaux sacrifices, à accepter leur sort, au nom de l'intérêt national.
Alors tous ces gens-là méritent bien plus qu'un carton rouge. Ils méritent d'être sortis du terrain économique par les luttes des travailleurs, pour mettre un coup d'arrêt à leur politique de régression sociale.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprises du 10 juillet