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- Lutte ouvrière n°1979
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Editorial
Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre
On ne peut qu'être indigné par les images montrant Gaza, cette étroite bande de terre où s'entassent 1400000 Palestiniens, bombardée par l'aviation et l'artillerie israéliennes. Des maisons en ruines, des ponts détruits, la centrale électrique démolie, des hôpitaux ou des maternités à peine éclairés grâce aux groupes électrogènes. Mais il n'y a plus d'essence et les groupes finiront par s'arrêter.
Tout cela, pourquoi? Parce que, disent les responsables israéliens, un groupe de terroristes a enlevé un caporal de l'armée israélienne. Pour le libérer, ce groupe exige la libération des femmes et des enfants palestiniens détenus. Chantage inadmissible pour Israël. Mais, à peine une semaine auparavant, l'aviation israélienne avait bombardé une plage sans même avoir un prétexte et avait tué des civils, dont deux enfants.
Depuis une semaine, on punit tout un peuple pour libérer un seul militaire. Avec le consentement des grandes puissances. «Israël a le droit de se défendre», vient de proclamer le porte-parole de la présidence américaine. L'État d'Israël, fort de ces soutiens et de sa supériorité technique et militaire, applique la loi du plus fort.
Cela arrange les intérêts de toutes les grandes puissances que, dans ce Moyen-Orient si important sur le plan stratégique, elles n'aient pas pour alliés seulement des régimes réactionnaires arabes, comme l'Arabie saoudite ou la Jordanie, qui peuvent être renversés un jour par leur peuple.
Avec Israël pour allié, d'autant plus fidèle que dépendant des grandes puissances, toutes les contradictions politiques et sociales de cette région se focalisent sur le conflit israélo-arabe. Les dirigeants d'Israël, au lieu de chercher à s'entendre avec les peuples arabes, ont toujours choisi d'être les alliés de l'Occident contre ces peuples.
Depuis que l'organisation islamiste Hamas est arrivée à la tête du gouvernement du territoire plus au moins autonome concédé aux Palestiniens, l'État d'Israël a resserré encore l'étau autour du peuple palestinien. Le Hamas est pourtant arrivé au pouvoir par des élections. Mais ces grandes puissances qui prétendent défendre la démocratie ont décidé de soumettre au boycott et d'affamer toute la population palestinienne pour la punir d'avoir voté pour le Hamas.
Mais le pire, c'est que c'est pour la population palestinienne elle-même que l'arrivée au pouvoir du Hamas est néfaste. À l'oppression israélienne, s'ajoute encore la pression rétrograde sur la société d'une organisation réactionnaire.
Mais c'est l'aboutissement de dizaines d'années d'évolution dont la responsabilité incombe à l'État d'Israël et à ses soutiens impérialistes mais aussi à la politique nationaliste des dirigeants palestiniens.
Pendant des décennies, le peuple palestinien, avec sa combativité, son refus de l'oppression, a incarné un exemple pour les opprimés du Moyen-Orient, du Liban à l'Egypte en passant par la Jordanie. La crainte des puissances impérialistes a été qu'il entraîne les classes populaires de l'ensemble de la région contre toutes les oppressions: celle de l'État d'Israël, certes, mais aussi celles, pas plus douces, des États arabes dictatoriaux. En refusant de faire du combat du peuple palestinien le point de départ d'un combat plus vaste, les dirigeants nationalistes ont facilité le travail pour les grandes puissances et pour l'État d'Israël. En conduisant leur peuple dans une impasse, les nationalistes, même radicaux et laïcs, ont préparé le lit d'un parti religieux et réactionnaire.
C'est le peuple palestinien qui paie le prix le plus lourd, enfermé sur des territoires morcelés, entourés de barbelés et par endroits d'un mur, rongé par le chômage et la pauvreté et sous la menace d'Israël. Mais le peuple d'Israël ne vit pas non plus en paix: un peuple qui en opprime un autre n'est pas libre.
Il y a pourtant la place dans cette région pour deux peuples vivant ensemble, sur la base de l'égalité sociale et politique. Mais, dans un système dominé par l'impérialisme basé sur l'oppression et qui suscite conflits et guerres, il faudra un bouleversement social pour rendre cela possible.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprisedu 3 juillet