Guinée-Conakry : Des manifestations étudiantes qui se terminent dans le sang07/07/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/07/une1979.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guinée-Conakry : Des manifestations étudiantes qui se terminent dans le sang

Rares sont les médias français qui se sont fait l'écho des événements tragiques qui se sont déroulés entre le 8 et le 13 juin en Guinée-Conakry. et qui auraient fait au moins 21 morts et 87 blessés

La Guinée - souvent appelée «Guinée-Conakry» pour la distinguer de ses voisines la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale - compte environ 9 millions d'habitants. Épargné jusqu'ici par les conflits qui secouent nombre de pays africains, ce pays reste cependant marqué par des années d'exploitation coloniale française (le premier comptoir français ayant été créé en 1714). Aujourd'hui encore, les exceptionnelles ressources minières (bauxite, or, diamant, uranium...) et agricoles (café, coton, fruits...) du pays ne profitent pas à la majorité de la population du pays, mais aux grands trusts occidentaux qui les exploitent et à une poignée de dirigeants locaux prompts à noyer toute velléité de contestation dans le sang. La Guinée est gouvernée par le général Lansana Conté, au pouvoir depuis le coup d'État militaire du 3 avril 1984.

D'après des témoignages parus dans le journal d'opposition La Lance du 14 juin, le début des événements remonte au 8 juin. Le récit des événements qui suit est en grande partie tiré de ce journal.

Face à la pénurie d'eau et d'électricité et à la hausse récente du prix du sac de riz et des carburants, la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et l'Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG) ont lancé un mot d'ordre de grève générale illimitée sur toute l'étendue du territoire guinéen.

Le 10 juin, un étudiant circulant à vélo a été écrasé par un camion devant le campus universitaire de Conakry. Les amis de la victime ont alors décidé de se rendre à pied à la morgue afin de lui rendre hommage. En chemin, ils ont croisé deux véhicules de l'armée. Les militaires, nerveux en cette période de grève, ont cru qu'ils avaient affaire à une manifestation étudiante et commencèrent à jouer de la matraque et de la crosse. Les étudiants ont répondu par des jets de pierres. Réfugiés dans leur campus, ils furent pourchassés par les militaires, cassant les portes des dortoirs, volant au passage de l'argent et des vêtements, défenestrant les jeunes qu'ils capturaient. Vingt-cinq étudiants ont été blessés et hospitalisés pour traumatismes crâniens, fractures, etc. Deux étudiantes ont été violées.

Le lundi 12 juin, au complexe scolaire Syba, les candidats au bac ont attendu plusieurs heures pour passer les premières épreuves, mais ni les surveillants ni les enseignants ne sont venus. Tous étaient en grève. Plusieurs milliers d'élèves ont alors décidé de se rendre à la Présidence afin de réclamer le passage de leur examen. Scandant des slogans hostiles au régime dictatorial en place, ils ont au passage saccagé la maison de Harouna Conté, frère du président.

Au début de cette matinée, un jeune apprenti chauffeur de 15 ans, Mamady Camara, a été renvoyé par son patron à cause de la grève générale. Arrivé au pont de Kénien, il s'est retrouvé au milieu de violents affrontements. Un gendarme lui a tiré dans le ventre. Mamady est mort quelques minutes plus tard. Vers 14 heures, un apprenti mécanicien de 17 ans, Mamadou Baïlo Barry, regardait passer la manifestation des lycéens. Un homme en uniforme s'est approché de lui et lui a tiré une balle à bout portant. Un camion militaire a aussitôt ramassé le corps.

Dans Conakry, les militaires appelés en renfort ont tiré sur la foule, faisant plusieurs morts et blessés parmi les manifestants.

Dans plusieurs quartiers de la commune de Ratoma, l'annulation du bac a aussi entraîné des manifestations. S'en sont suivis de la part des militaires des descentes musclées, des pillages, des bastonnades dans les maisons.

Le directeur général de la police et le directeur de la sûreté urbaine ont annoncé onze morts sur l'ensemble du territoire guinéen. Selon ce dernier, deux seulement sont des lycéens, les autres étant des «loubards» excités par l'opposition! Selon le journal La Lance et des sources hospitalières, le bilan serait beaucoup plus lourd: plus de 21 morts - le chiffre exact restant inconnu - et 87 blessés.

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