États-Unis : General Motors n'a pas attendu Ghosn pour s'en prendre aux salaires et aux retraites07/07/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/07/une1979.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : General Motors n'a pas attendu Ghosn pour s'en prendre aux salaires et aux retraites

La presse évoque un éventuel rapprochement entre Renault-Nissan et General Motors. D'un côté, on aurait Carlos Ghosn, l'homme qui aurait «sauvé Nissan», mais pas les 22000 emplois que ce sauvetage des profits a coûté aux travailleurs japonais, et de l'autre un trust qui se présente comme «en difficulté», bien qu'il reste encore à ce jour le n°1 mondial du secteur automobile. En fait, General Motors, comme les autres groupes de l'automobile américaine, n'a pas attendu Carlos Ghosn pour préserver ses profits au prix d'une dégradation systématique des conditions d'existence des travailleurs de GM et de Delphi.

La direction du syndicat de l'automobile UAW a négocié un «plan social spécial» avec la direction du groupe General Motors (GM) et Delphi, qui prétendait offrir à chaque travailleur des deux groupes une possibilité de retraite anticipée ou d'une prime en échange de la renonciation à son emploi. En réalité, ceux prenant cette retraite anticipée devaient toucher moins que ce qu'ils auraient eu en partant à la date normale, sans compter que leur pension reste aléatoire, Delphi ayant été mis en faillite.

Aux États-Unis, la «loi sur les faillites» permet notamment aux patrons d'échapper à leurs obligations vis-à-vis de leurs salariés. En effet, les retraites sont alors prises en charge par un organisme d'État, qui verse des pensions nettement inférieures. Quant aux travailleurs du groupe ayant peu d'ancienneté partant avec une prime, ils se retrouveraient au chômage, sans droit à la retraite, sans couverture médicale et avec un chèque de solde de tout compte soumis à l'impôt!

En fait, il s'agit d'une nouvelle manoeuvre de la direction pour pousser vers la porte des travailleurs qui gagnent 27 dollars de l'heure et les remplacer par de nouveaux embauchés à 14 dollars, qui pourraient être d'ex-travailleurs de Delphi repris à moitié prix.

Cette politique a commencé dès la séparation de GM et de son équipementier Delphi. À partir de 2003, un contrat signé avec les syndicats stipulait que si les travailleurs de Delphi venus de GM conservaient leur salaire antérieur, les nouveaux embauchés l'étaient désormais à un taux deux fois plus bas. Un an après, Ford imitait GM dans ses rapports avec son équipementier Visteon. Pour les deux groupes automobiles il s'agissait de s'attaquer au système des salaires, à la couverture sociale et aux conditions de travail que les travailleurs de l'automobile avaient pu imposer à partir des luttes des années trente et quarante. En 2005, GM et l'UAW concluaient un accord supprimant les augmentations de salaire et exigeant des retraités qu'ils payent davantage pour leur couverture sociale.

Depuis des années, les trois «grands» de l'automobile (GM, Ford et Daimler-Chrysler) font campagne contre le coût de la couverture médicale. Quand on rétorque à GM que le coût qu'il annonce par salarié est très au-dessus de ce qu'il lui en coûte réellement, le trust répond qu'il doit payer pour les retraités également. Or, pendant des dizaines d'années, GM a justifié des salaires réduits en expliquant qu'il mettait de l'argent de côté pour les retraites. Et si l'argent «mis de côté» n'est plus là, c'est qu'il a servi à autre chose. Et, du fait du secret commercial et bancaire, les patrons de GM et leurs banquiers sont seuls à savoir à quoi.

Cette année, d'un côté GM affichait un certain optimisme alimenté par ses résultats de 2005: le chiffre d'affaires américain avait fléchi de 4,3% aux États-Unis, mais il avait en revanche augmenté en Chine (de 35%!), en Amérique latine et en Europe, soit une hausse globale de 2% de ses ventes. De l'autre, GM a orchestré la revente de 51% de la GMAC (General Motors Acceptance Corporation), sa division financière, pour laisser entendre que le secteur automobile serait sinistré. Mais ce qui est pour le moins suspect c'est que cette division financière est celle qui est la plus profitable et elle a été vendue à un prix dérisoire à un groupe financé par Citigroup, un des banquiers de la GM.

De toute façon, la profitabilité de GM est encore toute fraîche. De 1994 à 2004, GM a affiché 43 milliards de profits (contre 40 à Chrysler et 35 à Ford dans la même période). Et GM continue de payer grassement ses dirigeants. Même en période de «sacrifices pour tous» l'an dernier, ses cinq plus gros dirigeants ont empoché ensemble 5 millions de dollars de salaires et un million d'actions leur a été réservé. Dans les sept années précédentes, les patrons de GM avaient amassé la coquette somme de 287 millions de dollars de salaires, bonus et stock-options soit, par an, 480 fois ce que touche un ouvrier, même faisant des heures supplémentaires! Et même si aujourd'hui GM réduit de moitié les dividendes payés pour chaque action, celle-ci a toujours la cote. Et cela n'a pas dissuadé le multimilliardaire Kirk Kerkorian de se précipiter pour acheter des actions et détenir 10% de GM.

Alors que GM ait, à son tour, recours ou pas à la loi des faillites pour rebondir, comme il s'en est servi avec Delphi pour s'attaquer aux travailleurs, son objectif reste de préserver, et même d'augmenter les profits des actionnaires. Et GM se soucie comme d'une guigne que cela signifie de nouveaux sacrifices imposés aux travailleurs. Alors, avec ou sans le concours de Renault-Nissan, GM va encore accentuer cette pression sur ses salariés, car sa soif de profit est inextinguible. Mais les travailleurs peuvent aussi refuser de continuer à l'étancher.

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