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Dans les entreprises
EADS : Les directeurs changent, Lagardère reste
Le groupe EADS, propriétaire entre autres d'Airbus et d'Eurocopter, vient d'être contraint de changer son équipe de direction. En effet, non seulement la production de l'A380, le futur «plus gros avion de ligne du monde», a subi d'importants retards, mais des dirigeants ont vendu de gros paquets d'actions... avant que l'annonce de ces retards ne fasse chuter le cours de l'action du groupe. La presse souligne que ces hauts cadres, en particulier Noël Forgeard, l'ex-co-président d'EADS qui a réalisé pour 3,5 millions d'euros, ont été soient malhonnêtes, s'ils connaissaient les difficultés du groupe, soient incapables, s'ils ne les connaissaient pas.
Mais on parle beaucoup moins d'Arnaud Lagardère, co-président du conseil d'administration d'EADS, propriétaire de 7,5% de son capital et qui, lui, reste à son poste, alors qu'il a opportunément vendu pour un milliard d'euros de ses actions, le cours étant au plus haut et les difficultés de l'entreprise inconnues du public.
Cette discrétion tient bien sûr au fait que Lagardère, en plus d'EADS, est la tête d'un groupe de presse comprenant la radio Europe 1, des quotidiens régionaux, des hebdomadaires comme le Journal du Dimanche, Match, l'Événement, des participations dans Canal + et le quotidien Le Monde et même l'Humanité, la moitié des maisons d'édition et toute la distribution de la presse. Mais elle vient surtout du fait que Lagardère n'est pas un salarié, si grassement payé soit-il, c'est un capitaliste. Avec 7,5% du capital, et l'appui inconditionnel de l'État français qui en détient 15%, il est et reste à la tête du groupe, avec le droit d'user et d'abuser de sa propriété.
Cette propriété, Arnaud Lagardère n'a eu qu'à se donner la peine de naître pour en profiter. Son père, Jean-Luc, décédé en 2003, l'avait quant à lui reçue gracieusement de l'État. En effet, en 1999, le Premier ministre Jospin et son ministre des Finances Strauss-Kahn lui avaient vendu l'Aérospatiale pour 0, 85 milliard. La valeur du groupe était alors estimée entre 80 et 120 milliards. Puis vint, la même année, la fusion d'Aérospatiale avec le groupe allemand Dasa et le groupe espagnol Casa. Lagardère revendit à cette occasion une partie de ses actions pour 1,18 milliard. Il avait ainsi acquis pour rien sa participation prépondérante à un groupe qui allait devenir le premier constructeur mondial d'avions de ligne.
Soutenu financièrement par les États français et allemand, bénéficiant des services de voyageurs de commerce réputés comme le président français et le chancelier allemand, EADS et sa filiale Airbus lancèrent le projet A380. Cet avion a été présenté comme la huitième merveille du monde, son premier vol a été couvert par les télés comme si le pape était mort une deuxième fois et personne ne pouvait ignorer qu'il avait décollé (puis atterri), que les carnets de commandes étaient pleins, que c'était la plus grande réussite industrielle contemporaine et la préfiguration de l'Europe de demain. Sous ce déluge médiatique et politique, le cours de l'action passa de 19 à 35,13 euros. Lagardère ramassa alors un milliard d'euros en vendant une partie de ses actions. Puis on apprit que l'A380 ne serait pas livré dans les délais et les actions perdirent un quart de leur valeur en quelques jours.
Mais qui avait racheté les actions de Lagardère? La Caisse des dépôts, c'est-à-dire l'État, qui n'a décidément rien à lui refuser.
Avant même d'avoir décollé, l'A380 constitue déjà un vol manifeste. L'État, les gouvernements et les médias ont travaillé à faire la fortune d'un seul groupe, quasiment d'un seul homme. Ce n'est ni un excès ni une aberration du système. Au contraire, comme disait l'autre, «c'est étudié pour».