Alors que de nombreux sans-papiers, enfants et adultes, sont sous la menace d'une expulsion, Chirac a pour la première fois présidé une remise de décrets de naturalisation à la préfecture d'Indre-et-Loire. Cette cérémonie ne concernait que 77 familles de ce département qui se sont vu remettre en plus de leur certificat de nationalité française, la déclaration des droits de l'homme de 1789, un résumé de la Constitution et «la Marseillaise». En prime Chirac a aligné quelques poncifs sur la République et ses valeurs: «Devenir français, ce n'est pas une simple formalité administrative. C'est un acte fondamental, un acte qui engage. (...) Devenir français, c'est un honneur.» Bref être français, ça se mérite.

Comme si les dizaines de millions d'habitants de la France avaient choisi d'y naître tandis que d'autres se seraient fourvoyés en voyant le jour dans des pays dévastés par des guerres ou par une extrême pauvreté! Et qui décide ce qui est méritoire? Endurer d'innombrables souffrances et risquer sa vie pour échapper à la misère noire et permettre à sa famille de survivre, n'est-ce pas méritoire? Tout quitter pour échapper aux exactions d'une dictature ou de bandes armées, n'est-ce pas «un acte qui engage»? Travailler sur des chaînes de production, dans le bâtiment, dans des ateliers, des cuisines ou des exploitations agricoles pour des salaires de misère, n'est-ce pas méritoire?

Chaque femme, chaque homme a le droit à une vie digne, et si c'est en France qu'ils pensent la trouver c'est que dans ce pays ont été accumulées des richesses souvent produites par leurs pères quand elles ne leur ont pas été volées. C'est aussi pour cette raison qu'il faut régulariser les sans-papiers.