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Dans les entreprises
SNR Roulements – Annecy (Haute-Savoie) : Les travailleurs dans la rue
Jeudi 15 juin après-midi, à l'appel des quatre syndicats CGT, CFDT, FO et CGC, ce sont environ 1500 ouvriers, employés, techniciens et cadres -soit près de la moitié de l'effectif des sites haut-savoyards de SNR- qui ont manifesté à Annecy. Ce n'était qu'une partie des travailleurs qui avaient suivi massivement le mot d'ordre de grève, laissant pendant la manifestation les ateliers et les bureaux quasiment désertés. Une journée d'action similaire se déroulait dans le même temps à Alès (Gard), autre site SNR.
Le défilé, parti de la préfecture, traversa tout le centre-ville pour arriver jusqu'au siège de cette entreprise de roulements, filiale à 100% de Renault. Le slogan «Ghosn, Leclercq, Simon, vous n'aurez pas notre peau!» fut fortement repris. En conspuant ainsi le PDG de Renault et les dirigeants de la SNR, les manifestants voulaient montrer qu'ils n'étaient pas dupes des manoeuvres entreprises dans leur dos depuis plusieurs mois et qu'ils refusaient l'avenir que les patrons leur préparent. En fait, Renault veut se débarrasser de sa filiale de fabrication de roulements, au profit d'un grand groupe japonais, NTN.
Déjà, en septembre 2005, la divulgation par la CGT d'une information sur cette vente avait complètement ridiculisé le directeur général et dressé contre lui tout le personnel, y compris les cadres supérieurs. Ce directeur avait en effet, dans un premier temps, nié l'existence de tractations en vue de cette vente... pour reconnaître quelques jours après qu'elles avaient bien eu lieu puisqu'il annonçait qu'elles étaient suspendues!
Pour calmer le jeu, Renault a laissé passer six mois, pour finalement annoncer que «les discussions pour un partenariat avec NTN reprenaient et que s'ouvrait une étude de faisabilité, à l'issue de laquelle, fin juin, une décision serait prise».
Cette «étude de faisabilité» n'est qu'une manoeuvre de plus pour tenter de faire passer la pilule, accompagnée d'une mise en scène comme la visite de cadres dirigeants à NTN au Japon: en fait, les tractations ont lieu, et dans le dos du personnel. Mais les intentions des dirigeants sont claires. Début juin, le directeur général annonçait au comité d'entreprise que «les années qui viennent vont être difficiles pour SNR, avec NTN ou sans lui». Cela complétait ses précédents propos: «On ne fait plus suffisamment de marge en fabriquant des roulements à l'Ouest.» Deux jours après, le président de SNR déclarait que Renault ouvrirait le capital de SNR à NTN, resterait majoritaire encore un an, voire deux au maximum, mais qu'après il passerait la main à NTN comme actionnaire majoritaire.
Toutes ces déclarations éclairent ce qui est en jeu: de grosses restructurations, avec ce que cela veut dire comme suppressions d'emplois. En somme, Renault sous-traiterait le «sale boulot» à NTN, en se lavant les mains du sort des salariés de SNR et en comptant, au bout du compte, être fourni en roulements moins chers. D'ailleurs, lorsque Ghosn est devenu PDG de Renault, n'a-t-il pas fixé comme un de ses objectifs majeurs la baisse des «coûts fournisseurs»?
Ainsi, les travailleurs de SNR ont toutes les raisons pour refuser cet avenir. Un avenir qui fait peser une menace aussi sur les milliers de salariés des entreprises sous-traitantes, des fournisseurs de pièces ou de services, SNR étant la première entreprise industrielle de Haute-Savoie.
Il faut tout le cynisme du directeur général pour annoncer que «la période qui vient va être difficile», comme si, jusqu'à présent, nous avions nagé dans le bonheur. D'une part, les suppressions d'emplois existent déjà bel et bien (200 emplois CDI et intérimaires en moins depuis 2005), car une partie de la production a déjà été délocalisée dans l'usine roumaine de SNR. Par ailleurs, les pressions pour des «gains de productivité» obligent les ouvriers à courir entre les machines. En plus, les salaires de SNR sont devenus parmi les plus bas de la métallurgie en Haute-Savoie.
Face à cela, la réussite de cette première démonstration des travailleurs est importante: elle renforce le moral de tous, après des années où les mauvais coups se sont succédé, sans beaucoup de réactions. Cela compte, car la seule garantie pour les travailleurs sera leur capacité à se mobiliser collectivement pour défendre leurs emplois et leurs salaires.