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Italie : Les dessous pas très chics de la maisonde Savoie
Le premier interrogatoire du prince Victor-Emmanuel de Savoie, incarcéré sous l'accusation de trafic d'influence, corruption de fonctionnaires, émission de faux, exploitation de la prostitution, piraterie informatique, jeux truqués et recyclage d'argent sale, a débuté mardi 20 juin, à la prison de Potenza où il a été incarcéré après son arrestation, vendredi 16 juin.
L'accusé n'est autre que le petit-fils du Victor-Emmanuel qui régna sur l'Italie de 1900 à 1946, et le fils du dernier roi d'Italie UmbertoII, qui régna de mai à juin 1946, avant que l'Italie ne devienne une République. De cette date à décembre 2002, la famille royale italienne avait été condamnée à l'exil pour avoir collaboré avec le dictateur fasciste Benito Mussolini. Ce n'est qu'en mars 2003, grâce à Berlusconi, qu'elle avait pu revenir en Italie.
Alors, n'ayant pu bénéficier, comme la famille royale d'Angleterre, d'une rente à vie versée par l'État, il a bien fallu que Victor-Emmanuel se débrouille. Doté d'un vaste carnet d'adresses et de nombreuses relations, il a fait profession d'intermédiaire entre hommes d'affaires et représentants de l'État, au point que la justice italienne considère aujourd'hui qu'il serait le «leader incontesté» d'une organisation criminelle chargée notamment de fournir machines à sous et prostituées au casino de Campione d'Italia, avec la complicité du maire, également poursuivi. Il aurait empoché notamment de substantielles commissions, en échange de la corruption de fonctionnaires pour autoriser l'installation de machines à sous.
Une douzaine d'autres personnes ont été arrêtées ou assignées à résidence. Parmi celles-ci, Salvatore Sottile, journaliste et ex-porte-parole de Gianfranco Fini, le président de l'Alliance nationale, l'ex-parti néo-fasciste, et allié de Berlusconi. Sottile est accusé d'avoir fait commerce de ses relations pour promouvoir des jeunes femmes comme animatrices de télévision à la RAI, tout en profitant en échange de leurs charmes. Noms et photos des starlettes ainsi promues s'étalent dans la presse italienne.
Le prince n'en est pas à ses premiers démêlés avec la justice. Il est soupçonné d'avoir été proche, dans les années soixante-dix, de la loge P2, organisation secrète proche de l'extrême droite, impliquée notamment dans des affaires de trafics d'armes et de corruption, qui à l'époque avaient éclaboussé le Vatican. Mais les poursuites contre lui se sont perdues dans les sables des procédures judiciaires. En 1978, il avait tiré sur un jeune Allemand de la jet set qui avait eu la mauvaise idée de garer son yacht un peu trop près de celui de Sa Seigneurie. Le jeune homme avait finalement succombé à ses blessures, mais le prince fut acquitté.
Victor-Emmanuel ne se démonte pas si facilement: ayant reçu en prison la visite de deux représentants du parti de Berlusconi, Forza Italia, dont il est proche, il a affirmé: «Je suis sûr que je parviendrai à prouver mon innocence.»
Ce ne sera peut-être pas si facile car la presse est pleine des extraits de conversations téléphoniques qui ont servi à établir l'accusation des juges. Elles sont édifiantes: l'appétit de Victor-Emmanuel pour les commissions sonnantes et trébuchantes semble le disputer à celui pour les prostituées, dont il négociait âprement les faveurs, un complément de commission en nature, si on ose dire. Les conversations de ces messieurs commentant la qualité des prestations de ces jeunes femmes sont au moins aussi crues que les appréciations de Victor-Emmanuel sur les Sardes, reproduites elles aussi. Il y déclare que les Sardes seraient «de la merde et pueraient autant que leurs chèvres.». Ainsi s'exprime le royal héritier du trône qu'on appelait justement de Piémont-Sardaigne...
En fait, entre princes déchus, affairistes véreux, pots-de-vin, proxénétisme et promotion canapé, il semble que dans les coulisses de l'État de la bourgeoisie, cela sente plus mauvais que toutes les chèvres de Sardaigne.