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Leur société
EADS : PDG tricheurs ou fonctionnement normal du capitalisme?
Quand il s'agit de l'argent qu'ils ont investi dans l'entreprise, les PDG-actionnaires savent tirer leur épingle du jeu et, au bout du compte, les difficultés réelles, ou prétendues telles, se transforment en opportunités pour réaliser de fructueuses plus-values. C'est ce que vient de montrer une nouvelle fois la secousse boursière qui a touché le groupe industriel EADS, fabricant, entre autres, des Airbus.
Mardi 13 juin, la direction annonçait un retard de plusieurs mois sur la finition des Airbus 380, qui devaient être livrés aux premières compagnies aériennes l'an prochain. Conséquence: 500 millions d'euros en moins sur les recettes prévues, des indemnités à payer pour Airbus et probablement des commandes annulées. Dès le lendemain, on assistait à une dégringolade de l'action EADS à la Bourse. Les actionnaires d'EADS se précipitaient pour vendre et, dans la journée du mercredi, les cours chutaient de 26%.
On apprenait alors que les dirigeants d'EADS et ses principaux responsables avaient mis leur argent à l'abri. Comme par hasard, le PDG du groupe, Noël Forgeard, avait vendu ses actions personnelles et celles de ses enfants quand le cours était au plus haut, à près de 35 euros l'action, avant qu'il ne retombe à moins de 19 euros. Cela lui avait rapporté 3,4 millions d'euros. Dans une interview au journal LeMonde, Noël Forgeard a déclaré que tout cela était un «malheureux hasard». Ce genre de malheur qui rapporte des millions, bien des salariés, en particulier ceux de la Sogerma, l'usine de Mérignac qui fait partie d'EADS et dont le même Forgeard avait annoncé brutalement la fermeture, aimeraient bien qu'il leur tombe dessus!
Mais en l'occurrence, il n'y a pas plus de hasard que de malheur. Toutes les sociétés offrent à leurs dirigeants des actions, les fameuses «stock-options», sachant bien que les informations qu'ils détiennent leur permettront de les revendre avec profit. Cinq autres dirigeants d'EADS, français comme allemands, ont d'ailleurs eux aussi su saisir l'opportunité du plus haut cours de l'action pour réaliser leur magot. Il est donc difficile de croire à une coïncidence, d'autant plus qu'à peu près au même moment, les principaux actionnaires du groupe, dont Arnaud Lagardère et le groupe Daimler-Chrysler, vendaient aussi une partie de leurs actions pour plus d'un milliard d'euros chacun.
Pour tous ces gens-là, l'opération se sera finalement révélée très profitable. Ils jurent aujourd'hui, la main sur le coeur, qu'ils ne savaient rien, n'étaient pas au courant des retards qui s'accumulaient dans leurs usines et n'avaient absolument pas imaginé les conséquences que cela aurait. Lagardère a même déclaré à la presse qu'entre deux hypothèses, celle d'un actionnaire truqueur ou celle d'un dirigeant d'entreprise incompétent ne sachant pas ce qui se passait dans les usines qu'il dirigeait, il choisissait la seconde. Curieuse défense pour un PDG qui, comme tous ses confrères, justifie ses royaux émoluements en invoquant précisément sa compétence! Mais pour les gens comme Lagardère, faire passer les capitaux d'une entreprise à une autre pour faire des bons coups en Bourse, c'est le fond de leur métier. Beaucoup plus que de fabriquer aujourd'hui des avions et demain autre chose.