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Leur société
CNE : Aubaine pour les patrons, effet nul sur l’emploi
Le contrat nouvelles embauches (CNE) a été créé il y a dix mois, en août 2005, sur décision de Villepin. Le ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement a effectué fin mars une enquête auprès des patrons d'entreprises de moins de vingt salariés, les seuls qui peuvent y recourir. Elle confirme point par point les objections de ceux qui contestaient cette mesure depuis sa création.
Sur les 440000 CNE qui auraient été signés, le Premier ministre Villepin prétendait que 90% étaient toujours en vigueur. Les chiffres évoqués par le Premier ministre sont sans doute discutables. Mais ce qui ne l'est pas c'est que, selon le ministère de l'Emploi de la Cohésion sociale et du Logement, un quart des emplois CNE ont déjà disparu. La responsabilité de la rupture serait partagée à égalité entre salariés et employeurs -mais l'enquête n'interrogeait que ces derniers.
La Sécurité sociale a constaté que ces entreprises de moins de vingt salariés auraient diminué de 266000 leurs embauches en CDI et de 78000 celles en CDD. Cette baisse montre que la grande majorité de ces CNE se sont substitués à des embauches, que les patrons auraient faites de toute façon. Et les raisons de cette substitution sont évidentes: avec le CNE, la précarité du salarié est renforcée, il est licenciable à tout moment, sans que son patron ait à fournir de justification.
Vu les secteurs d'activité qui ont signé le plus de CNE, comme la réparation automobile, le commerce de gros, les services aux particuliers, il est probable que le CNE ait aussi remplacé pas mal de contrats d'intérim. Le CNE signifie donc la précarisation croissante des embauches: en 2005, 78% d'entre elles ont été en CDD! Et lorsqu'en mai, suite peut-être à certains jugements des Prud'hommes favorables à des salariés en CNE contestant leur licenciement, les embauches en CNE ont connu un ralentissement, les CDD de moins d'un mois ont fait un bond, jusqu'à représenter plus de la moitié des embauches.
Des journaux comme Les Echos et Le Monde affirment que «seuls 10% des CNE correspondent à de véritables créations d'emplois». Cette constatation n'est là que comme résultat d'une soustraction, à partir de chiffres bien incertains, résultant des déclarations patronales: 70% des CNE remplacent des CDI et des CDD qui auraient été conclus de toute façon, 20% sont des anticipations d'embauches prévues par ailleurs, restent donc 10%.
40000 emplois, 10% de créations d'emplois réelles, ce serait toujours ça, dira-t-on. Mais outre que cela ne justifierait pas des contrats au rabais, on peut douter même de cette estimation. Quelle serait la motivation de telles embauches en CNE? Si c'est une extension de la production, pourquoi les embauches n'auraient-elles pas pu avoir lieu avec d'autres contrats? Et il n'y a aucune raison, même en étant exonéré de charges, même en payant mal des travailleurs, qu'un patron embauche des salariés dont il n'aurait pas besoin.
Alors le CNE ne crée peut-être même pas un emploi supplémentaire. Mais ce qui est certain, c'est qu'il crée de la précarité.