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Dans le monde
Ile de la Réunion - Mayotte : Le chikungunya continue de sévir
Si, à la Réunion, l'épidémie de chikungunya ne fait plus la une de l'actualité, elle n'en continue pas moins à sévir. Entre 1000 et 1500 nouveaux cas sont recensés chaque semaine. Au total 270000 personnes, sur les 770000 habitants que compte l'île, ont été infectées par le virus. Parmi elles, 232 sont décédées.
Aujourd'hui, on est certes loin du chiffre de 47000 nouveaux cas par semaine, atteint lors du pic de la maladie à la fin du mois de janvier. Mais 1000 à 1500, c'est tout de même bien plus que les 83 nouveaux cas enregistrés chaque semaine à la fin de l'année 2005. C'est ce qui fait dire à certains que l'épidémie pourrait de nouveau repartir et qu'il est nécessaire de toujours prémunir la population contre sa propagation, pour l'heure freinée mais non enrayée.
En tout cas, les Réunionnais qui ont besoin de vigilance et de réactivité ne doivent surtout pas prendre exemple sur une mission parlementaire dénommée «Chikungunya». Cette mission avait été créée le 16 janvier dernier à la demande expresse d'une députée communiste de la Réunion. Mais ce n'est que le 6 juin, c'est-à-dire cinq mois plus tard, que ladite mission est arrivée dans l'île, après avoir pris tout son temps pour paraît-il étudier «hors sol» les diverses caractéristiques de la maladie. Le peu de sérieux de la mission a entre autres été attesté par le fait que le président-rapporteur, un homme de droite, a soigneusement évité de rencontrer les représentants du Conseil régional, présidé par Paul Vergès, principal dirigeant du Parti Communiste Réunionnais. Même attitude envers les maires de l'île, dont trois seulement ont été auditionnés. Mais cela n'a finalement aucune importance, puisque rien ne sortira de cette mission, en tout cas pas de nouvelles mesures qui seraient utiles et attendues, comme la distribution de kits insecticides à toute la population, pour qu'elle traite elle-même les sites larvaires proches de leur domicile.
La mission a tout de même semblé remplir sa fonction, quand elle s'est démenée pour rencontrer les représentants patronaux. Le contact a été pris, non pas avec trois d'entre eux seulement, mais avec tous. Les parlementaires ont en effet rencontré les organismes patronaux: la SGAR, l'IEDOM, l'Adir, le Medef, le président de la Chambre d'industrie et celui de la Chambre des métiers. Bref, tout ce que la Réunion compte de patrons s'était rassemblé auprès de la mission pour se féliciter qu'un nombre élevé de dossiers d'indemnisation aient été acceptés. Sur 963 demandes d'indemnisation, 761 ont déjà eu un avis favorable. Il n'en a évidemment pas été de même pour les travailleurs, dont beaucoup ont perdu sur leur salaire, sans espoir de toucher le moindre dédommagement.
Après avoir quitté la Réunion, la mission parlementaire s'est rendue dans l'île française de Mayotte, où l'épidémie de chikungunya atteint son pic le plus élevé. Actuellement 45000 personnes, sur les 180000 habitants que compte l'île, sont touchées par la maladie, 10% d'entre elles développent des formes graves et invalidantes. L'épidémie agit comme un révélateur du mauvais état sanitaire dans lequel vit la population de l'île. Les services hospitaliers, le seul hôpital et les quelques dispensaires, ont des possibilités d'accueil notoirement insuffisantes pour faire face aux besoins de la population, qui doit faire des heures de queue avant de pouvoir consulter. Et, là comme ailleurs, il est envisagé, par souci d'économies, de regrouper des dispensaires. Autrement dit, il est envisagé de fermer certains établissements, ce qui rallongerait d'autant les temps de transport. La pauvreté des Mahorais -la moitié d'entre eux n'ont pas de travail et beaucoup de ceux qui en ont un touchent un smic à 650 euros- ajoute encore aux difficultés de se soigner. Et pour parfaire le scandale, des médecins mahorais ont révélé les difficultés qu'ils rencontrent pour procéder dans les cas graves à des évacuations sanitaires vers les hôpitaux réunionnais, dont les administrations refusent les patients.
Les populations ne sont donc pas victimes du seul virus, mais aussi de la pauvreté et du sous-équipement.