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Tribune de la minorité
Hamas – Fatah : Bras de fer sans issue pour le peuple palestinien
Le dernier crime en date de l'armée israélienne, le meurtre d'une famille sur une plage de Gaza, confirme que rien n'a changé depuis qu'Ariel Sharon a quitté la scène. Mais une image en chasse vite une autre, et c'est surtout l'embrasement militaire entre factions palestiniennes liées au président Mahmoud Abbas (Fatah) ou à Ismaël Haniyeh, chef du gouvernement issu du Hamas, qui fait la Une. Belle aubaine pour le premier ministre israélien Ehoud Olmert, en visite en France, qui souligne dans une interview au Figaro «Les Palestiniens s'entretuent... Nous ne sommes pas loin de la guerre civile. Ils se tirent déjà dessus...». Et de réaffirmer que face à de tels «terroristes», l'intransigeance de l'État sioniste (entendez la guerre contre la population palestinienne) reste de rigueur.
La victoire des islamistes du Hamas aux élections palestiniennes de janvier dernier doit surtout être considérée comme une sanction des masses palestiniennes à l'encontre du Fatah. Au-delà de la corruption des milieux dirigeants de l'Autorité palestinienne, particulièrement choquante étant donnés les sacrifices endurés par des générations de Palestiniens en vue d'arracher le droit à une existence nationale, le discrédit du Fatah tient d'abord à son incapacité à améliorer tant soit peu les conditions de vie des masses palestiniennes. Mais comment pourrait-il en être autrement dans cet État croupion -si tant est qu'on peut parler d'État- et pratiquement assiégé par Israël, un simple assemblage de bantoustans en passe d'être enfermés de hauts murs et no man's lands électrifiés, dont la gestion fut confiée aux dirigeants de l'OLP pour les associer aux tâches de maintien de l'ordre dans lesquelles l'armée israélienne finissait par s'enliser?
Plutôt que d'exploiter les potentialités de la révolte palestinienne, les leaders nationalistes de l'OLP acceptèrent de monnayer leur crédit politique en échange de quelques postes de dirigeants à la tête d'une Autorité palestinienne sans compétence hormis de répression policière.
Ces compromissions du Fatah ont nourri le succès du Hamas et autres courants politiques rangés sous la bannière du fondamentalisme musulman, qui loin de constituer une surprise, apparaît comme l'aboutissement des politiques des uns et des autres. Pas plus qu'on ne peut être surpris par l'effondrement de la gauche israélienne dont les reniements successifs ont mené certains de ses dirigeants, à commencer par Shimon Peres, jusque dans les rangs de Kadimah, la formation politique lancée par Ariel Sharon.
Face à l'instabilité actuelle des territoires palestiniens, le gouvernement israélien d'Ehoud Olmert joue la montre: il peut tirer prétexte de l'absence d'interlocuteur palestinien reconnu comme «valable» par l'impérialisme pour poursuivre de façon unilatérale la colonisation en Cisjordanie et achever l'érection du mur de séparation qui, au prix du sacrifice de quelques implantations mineures, entérine l'essentiel des revendications territoriales des colons. La décision de l'Europe et des États-Unis de couper les vivres à l'Autorité palestinienne, portant ainsi les souffrances de la population des territoires à son paroxysme, est aussi un blanc-seing au successeur de Sharon et sa politique du fait accompli.
Quant à Mahmoud Abbas, tout en misant sur le rapport de force militaire et policier vis-à-vis des islamistes, il cherche à reprendre la main sur le plan politique, en particulier par un référendum prévu pour la fin juillet. Le texte politique soumis à consultation, qui émane de responsables palestiniens de différents courants politiques emprisonnés en Israël, au nombre desquels un cadre du Hamas (alors que le Hamas est contre le référendum), contient un ensemble de propositions allant dans le sens d'une réconciliation et du partage du pouvoir entre Hamas et OLP, dans le cadre d'une reconnaissance implicite de l'État d'Israël. Pour Mahmoud Abbas, une victoire au référendum aiderait à reprendre la main, politiquement, en démontrant que même les 45% d'électeurs qui ont donné leur voix au Hamas ne le rejoignent pas sur l'ensemble de ses choix politiques.
Ismaïl Haniyeh, le premier ministre palestinien du Hamas, apparaît décidé à batailler bec et ongles contre la tenue du référendum. Une détermination qui n'est peut-être que de façade car le Hamas peut s'accommoder de la reconnaissance de l'État d'Israël et même y trouver un prétexte pour s'intégrer plus avant dans les institutions palestiniennes. Après tout, la dénonciation des accords d'Oslo ne l'a pas empêché de s'insérer dans le jeu électoral puis gouvernemental. Et l'actuel langage intransigeant des dirigeants israéliens à l'encontre du mouvement islamiste pourrait reproduire leur attitude vis-à-vis de l'OLP dans les années 1980. Le Hamas pourrait à son tour devenir interlocuteur valable comme l'OLP voire le Hezbollah libanais avec qui ils négocièrent l'évacuation du Liban Sud, sacrifiant au passage leurs supplétifs locaux de l'ALS.
Référendum ou pas, repartage ou pas du pouvoir entre factions palestiniennes, ce sera toujours la misère, le sang et les larmes pour la population palestinienne, si elle garde espoir dans des hommes et des partis qui se mènent des guerres sanglantes, mais autour d'une seule et même politique de recherche de compromis forcément pourri avec les garants de l'ordre impérialiste au Proche-Orient.
Julien FORGEAT
Convergences Révolutionnaires n° 45 (mai-juin 2006)
Bimestriel publié par la Fraction Numéro spécial sur le mouvement anti-CPE
Dossier: Trois mois sous la pression de la jeunesse: premier recul du gouvernement: le CPE enterré... restent le CNE et la précarité.
Articles: En Belgique aussi: la précarité... et des patrons aidés - USA: des millions de travailleurs immigrés dans la rue - Israël: le triomphe du nationalisme et du racisme anti-arabe? - Brésil: une tribune du PSTU.
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