Les guerres qu’ils mènent ailleurs,ils les mènent aussi contre nous24/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1973.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les guerres qu’ils mènent ailleurs,ils les mènent aussi contre nous

Deux militaires français des forces spéciales opérant sous commandement américain ont été tués samedi 20 mai en Afghanistan, et un troisième blessé, lors d'affrontements dans le sud du pays. L'information a été donnée par la presse en même temps que celle d'une intensification des combats dans ce pays où la situation ressemble de plus en plus à celle de l'Irak.

Tout cela rappelle que si Chirac s'est vanté à l'époque de son refus de s'engager, derrière les États-Unis, dans la guerre contre l'Irak, les troupes françaises participent bel et bien à une autre guerre dans la région, celle que les puissances occidentales mènent en Afghanistan depuis cinq ans.

Pour appuyer les troupes terrestres, le porte-avions Charles-de-Gaulle croise dans la mer d'Oman et les Mirage et autres Super-Etendard, chers au coeur de Dassault, survolent l'Afghanistan pour lâcher leurs missiles. L'Afghanistan n'ayant pas de façade maritime, cela implique le survol d'un autre pays, le Pakistan. À en juger par la somme corsée qu'a coûté le seul déplacement d'un autre porte-avions, le Clemenceau, pourtant désarmé celui-là, on devine ce que ces aventures militaires coûtent au budget!

Et tout cela pourquoi? Pour aider le peuple de ce pays dans la guerre civile menée par des intégristes musulmans, les talibans? Mais les armées occidentales ne font qu'ajouter la guerre à la guerre. Comme le disait un pilote basé sur le porte-avions, interviewé à la télévision: «Nous, on lâche les missiles là où on nous demande de les lâcher, on ne sait pas ce qu'il y a en dessous.» Mais, en dessous, ce sont des villages, des enfants, des femmes et des hommes qui meurent sous les missiles d'armées qui prétendent les défendre!

Est-ce pour rétablir la démocratie, comme l'ont affirmé les grandes puissances lorsqu'elles sont intervenues en 2001? Mais l'Afghanistan n'est pas devenu plus démocratique depuis que leurs armées y sont. Le pays continue à être soumis à la dictature des seigneurs de guerre. Quant aux femmes, voilées et opprimées qu'elles étaient sous la dictature des talibans, voilées et opprimées elles restent. Et les conditions d'existence de la population, une des plus pauvres d'Asie, ne se sont en rien améliorées. Car, si les grandes puissances consacrent des sommes considérables à leurs dépenses militaires, elles ne consacrent rien à la population elle-même, pas même pour reconstruire un pays transformé en champ de ruines par des guerres qui se succèdent.

Après les sanglants incidents de la Côte-d'Ivoire et la récente intervention de l'aviation française pour aider le dictateur du Tchad, l'intensification de la guerre en Afghanistan rappelle la présence de troupes françaises aux quatre coins du monde.

Puissance de seconde zone, la France n'en demeure pas moins une puissance colonialiste. Ses troupes sont présentes en Afghanistan, comme elles l'étaient hier dans l'ex-Yougoslavie, avec comme principal objectif d'assurer à la diplomatie française au moins un strapontin dans le concert des pays décidant de l'avenir du monde. Ailleurs, en Afrique en particulier, l'armée française est présente pour préserver une zone d'influence afin que Bouygues, Bolloré et d'autres continuent à garder la mainmise économique sur les anciennes colonies.

La bourgeoisie qui réalise l'essentiel de ses profits par l'exploitation des travailleurs ici en France, continue à les réaliser aussi en pillant ses anciennes colonies, principalement en Afrique. Les ressortissants de ces pays, appauvris par l'impérialisme, n'ont bien souvent pas d'autre recours pour survivre que l'émigration, parfois au péril de leur vie. Et ici, à leur exploitation sur les chaînes de production ou dans le bâtiment s'ajoutent les lois anti-immigrés. Ce n'est pas pour rien que Sarkozy, qui vient de faire un tour au Mali et au Bénin, a été accueilli par des manifestations hostiles.

Le pillage des pays pauvres et les bases militaires pour le permettre, l'exploitation ici, les lois contre les immigrés constituent un tout. Les guerres que notre impérialisme mène à des milliers de kilomètres nous concernent aussi.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 22 mai

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