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Leur société
Motion de censure
Clins d'oeil et petites manoeuvres du PS vers la droite
C'est Hollande, le premier secrétaire du Parti Socialiste, qui a défendu le 16mai à l'Assemblée nationale la motion de censure déposée par le PS.
Cette procédure, qui permet en théorie de mettre en minorité le gouvernement en place, n'avait aucune chance d'être adoptée puisqu'elle nécessite le vote de la majorité des députés élus et que l'UMP la détient à elle seule à l'Assemblée. Il s'agissait donc pour la direction du PS de faire une démonstration politique. Mais le thème de cette motion de censure et son contenu montrent qu'il ne s'agissait pas de s'adresser aux milieux populaires.
Sans crainte du ridicule, elle s'ouvre par cette déclaration pompeuse: «Notre pays traverse l'une des plus graves crises politiques de la Ve République», ajoutant: «Le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l'implication de l'exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream». «Tout ça pour ça?», pourrait-on dire, alors que «cette ténébreuse affaire» n'est même pas digne du regretté «Signé Furax», qui amusa autrement en son temps les auditeurs. Car des crises politiques, la Ve République en a connu de nombreuses et d'autrement «plus graves», du putsch des généraux d'Algérie en 1961, à celle de mai 1968, en passant par les plus triviales affaires chères au PS, comme le dynamitage du Rainbow Warrior, les écoutes de l'Élysée ou les affaires financières des amis de Mitterrand. Sans parler non plus, plus proche de nous, de l'utilisation des services de police et autres coups tordus en 1994-95 dans la guerre entre Chirac et Balladur.
En réalité, les «Français» dont parle le PS, c'est le petit monde clos de la classe politique, des élus, et l'électorat de droite inquiet de la guerre fratricide de ses chefs. Ce sont aussi bien sûr les grands bourgeois français face à leurs concurrents étrangers. Les mots employés sont d'ailleurs révélateurs: «C'est l'autorité de l'État qui en est la seule victime», précisant qu'il s'agit pour le PS de défendre «la sécurité de l'État» et ses services de renseignements, ou encore «l'intérêt national» menacé quant à lui, car «l'image et la place de la France sont à ce point altérées». Cette «image» c'est celle des ministres représentants de commerce des grands groupes, comme Alstom, Areva, Bouygues, Airbus, Lagardère ou Dassault. La conclusion d'ailleurs affirme qu'il est nécessaire «d'assainir la situation politique» pour protéger la prochaine élection présidentielle de «l'extrémisme». Parler un langage qui peut plaire à l'électorat réactionnaire de la droite et faire des oeillades en direction d'une partie de celle-ci, en particulier l'UDF, voilà le «grand objectif» de cette motion de censure. De son côté, Bayrou a saisi cette occasion de marquer sa différence avec l'UMP, annonçant lui aussi que «ça ne peut pas continuer comme ça» et votant la motion, quitte à sembler s'allier avec le PS.
Et puis, cette opération a été aussi une façon pour Hollande de damer le pion à «ses chers amis» Strauss-Kahn, Lang et Fabius, dans le cadre du combat des chefs qui a lieu au PS pour les prochaines présidentielles. Lang, juste avant le débat sur cette motion de censure, a d'ailleurs tenu à protester publiquement contre les préoccupations partisanes et le mépris de Hollande et de son clan.
Mais finalement le PS, comme la droite, est dans son rôle. Il se prépare à l'alternance pour pouvoir ne rien changer, en particulier le sort des salariés, des jeunes, des chômeurs et des retraités.