Grande-Bretagne - Licenciements dans l’automobile : Le coups de colère des travailleurs18/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1972.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Licenciements dans l’automobile : Le coups de colère des travailleurs

Moins de quatre semaines après l'annonce de la fermeture prochaine de l'usine Peugeot de Ryton, près de Coventry, c'est maintenant le tour de Vauxhall, filiale de General Motors, d'annoncer la suppression d'un tiers des effectifs de son usine d'Ellesmere Port, près de Liverpool, qui compte 3300salariés.

Cette fois, pourtant, l'annonce n'est pas passée sans réaction. Le 11 mai, suite à l'annonce faite par un dirigeant de General Motors, la colère a saisi les ouvriers d'Ellesmere Port. Passant outre aux lois antigrève, toute l'équipe du matin a abandonné son poste de travail comme un seul homme, suivie par les équipes d'après-midi et de nuit.

Aussi bien Vauxhall que les appareils syndicaux ont été pris de court par ce coup de colère. Cela fait bien longtemps que les grèves sauvages, c'est-à-dire non sanctionnées par les appareils, qui étaient la norme dans les années 1970, sont devenues rarissimes, surtout là où les appareils syndicaux sont puissants, comme dans l'automobile. Et même si celle d'Ellesmere Port a pris fin le lendemain, après l'intervention en force des permanents régionaux, le fait n'en reste pas moins notable.

Les 1100 licenciements annoncés par Vauxhall font partie d'un plan de 12000 suppressions d'emplois visant l'ensemble des filiales européennes de General Motors. On aurait pu penser, dans ces conditions, que les leaders syndicaux trouveraient mieux que leurs sempiternelles jérémiades concernant la loi britannique qui, selon eux, ferait que le licenciement d'un travailleur coûte moins cher au patronat en Grande-Bretagne que partout ailleurs.

Mais il n'en a rien été. Au contraire, les deux principaux syndicats de l'automobile, le TGWU (syndicat des transports, qui organise les OS) et Amicus (syndicat des professionnels, techniciens et maîtrise), sont repartis de plus belle dans ce sens, réclamant du gouvernement Blair qu'il «protège l'emploi industriel britannique» afin de permettre aux ouvriers anglais de «participer à la compétition pour l'emploi et les investissements», selon les propres mots de Derek Simpson, leader d'Amicus.

Qu'importe si une telle démarche revient à enfermer les travailleurs dans la double logique du nationalisme et du profit, selon laquelle c'est à eux de se montrer «moins chers que leurs concurrents étrangers» afin de s'attirer les bonnes grâces et les investissements des trusts! Qu'importe aussi si, sous prétexte d'augmenter la «compétitivité», la même logique ne peut que se traduire par une flexibilité accrue pour les travailleurs, une intensification du travail, voire des baisses de salaire, comme Peugeot l'avait obtenu il y a quelques années, avec l'aide de ces deux syndicats.

Avec une telle politique, il ne faut pas attendre des appareils syndicaux qu'ils offrent aux travailleurs la moindre occasion de mesurer leur capacité à résister aux attaques du patronat. À ce jour, le «boycott» des concessionnaires Peugeot, auquel les syndicats avaient donné force publicité après l'annonce de la fermeture de Ryton, s'est réduit à un rassemblement hebdomadaire de quelques dizaines de participants devant un seul concessionnaire Peugeot, à Coventry.

Quant aux ouvriers de Vauxhall, il n'est même pas question de leur proposer la moindre forme de protestation, même symbolique. Mais comme il leur fallait quand même avoir l'air de «faire» quelque chose, les syndicats ont ressorti l'idée du boycott, mais cette fois sans aucune participation possible des ouvriers. C'est ainsi qu'Amicus a annoncé qu'en cas de maintien des suppressions d'emplois à Ellesmere Port, le syndicat mettrait fin au contrat de 12 millions d'euros par an qu'il a avec Vauxhall pour la fourniture et l'entretien des voitures de fonction de ses permanents centraux! De quoi terrifier General Motors... !

La veulerie nationaliste des appareils syndicaux face aux licenciements est d'autant plus révoltante que les annonces se multiplient dans les grandes entreprises, non seulement dans l'automobile mais dans tous les secteurs de l'économie. Au cours des seules dernières semaines, 6000 licenciements ont été annoncés par le géant du câble NTL suite à sa fusion avec son principal concurrent, 2000 par le groupe de téléphonie mobile Orange, filiale de France Télécom, 2300 par le groupe chimique ICI, 1200 par la chaîne de grands magasins Littlewoods, suivis par d'autres annonces similaires, dans l'agro-alimentaire, les fonderies, les transports routiers, les assurances, etc. À quoi il faut ajouter les suppressions d'emplois qui s'accumulent dans les hôpitaux (près de 10000 au cours des deux mois écoulés, et le nombre continue à croître), les 60000 suppressions d'emplois en cours de fonctionnaires et de postiers, et des milliers d'autres dans diverses agences d'État en cours de privatisation.

Face à cette offensive contre l'emploi menée par le grand patronat et ses fondés de pouvoir au gouvernement, il faudrait à la classe ouvrière britannique tout autre chose que l'impasse nationaliste et corporatiste dans laquelle voudraient les enfermer les appareils syndicaux. On ne peut que souhaiter que le coup de colère des ouvriers d'Ellesmere Port ne reste pas sans lendemain et qu'ils en viennent à exprimer dans l'action la nécessité d'une riposte pour faire payer au patronat le maintien de l'emploi et des salaires.

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