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- Lutte ouvrière n°1971
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Leur société
Une campagne contre la loi qui dénonce l’esclavagisme : L’UMP à la chasse aux voix réactionnaires
Une quarantaine de députés UMP, dans une lettre adressée à Chirac, ont demandé l'abrogation de l'article de la loi de 2001 (dite «Taubira») qui qualifie l'esclavage de crime contre l'humanité et qui prévoit de lui accorder «la place qu'il mérite» dans les programmes scolaires et de recherche.
Leur argument est simple: il y a quelques mois, le Conseil constitutionnel avait décidé de supprimer l'article de loi qui préconisait notamment l'enseignement du «rôle positif» de la colonisation française et qui accordait «à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus [des colonies] la place éminente à laquelle ils ont droit». Les quarante signataires de la lettre exigent qu'il en aille de même pour l'esclavage «au titre du parallélisme des formes, et par souci d'égalité de traitement».
On se souvient que le texte sur le rôle positif de la colonisation avait, à juste titre, suscité des réactions indignées de la part de militants de gauche, d'historiens ou d'enseignants, comme dans les départements d'outre-mer ou les anciennes colonies françaises. Finalement, Chirac avait saisi le Conseil constitutionnel pour venir à bout de l'article le plus contesté de cette loi. Le Conseil constitutionnel avait conclu que l'article en question, en prétendant fixer le contenu des enseignements, possédait un aspect «réglementaire» et non «législatif», fournissant ainsi au gouvernement le moyen de le retirer sans perdre la face.
C'est donc sur cette décision que s'appuient aujourd'hui les députés UMP signataires de la lettre à Chirac pour réclamer que la loi Taubira connaisse le même sort. Mais ce «souci d'égalité» dont ils se prévalent est le dernier de leurs soucis. Pour la plupart, ces députés sont ceux qui avaient introduit l'article sur le «rôle positif» de la colonisation française. La majorité d'entre eux viennent des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône ou des Pyrénées-Orientales, départements où les nostalgiques de l'Algérie française constituent une part non négligeable de leur électorat. Ainsi, sous couvert d'une campagne pour «l'égalité», les députés signataires entendent avant tout préparer les élections législatives de l'an prochain.
À leur tête, on retrouve d'ailleurs un certain Lionel Luca, qui s'était déjà signalé par une série de déclarations douteuses, telle celle où il affirmait que «certaines personnes aux Antilles font toutes sortes d'amalgames sur l'esclavage mais ne crachent pas sur le RMI des ex-colonisateurs».
Mais à l'hypocrisie des députés réactionnaires de l'UMP fait écho l'hypocrisie de la bourgeoisie française dans son ensemble. Le butin accumulé par des siècles de commerce triangulaire a depuis eu le temps de prospérer. Et de nos jours encore, les lointains descendants des trafiquants que sont certaines des grosses fortunes actuelles continuent de piller allègrement le continent africain.
Quelques larmes officielles versées lors d'une «journée des mémoires» consacrée à l'esclavage et à la traite coûtent moins cher qu'un geste en faveur des peuples écrasés hier par les esclavagistes, aujourd'hui par un capitalisme dont les hommes politiques (et pas tous!) ne dénoncent l'esclavagisme que parce que c'est un mode d'exploitation qui n'est plus de mise dans les pays industrialisés.