Quand les socialistes font mine de défendre les immigrés10/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1971.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Quand les socialistes font mine de défendre les immigrés

Radicaux les socialistes! Après la défaite du gouvernement sur le CPE, ils continuent de mettre la pression... à propos de l'affaire Clearstream. En revanche, sur la loi Sarkozy sur l'immigration, en débat à l'Assemblée depuis le 2mai, des critiques, mais feutrées. Il s'agit pourtant d'une terrible régression sociale, qui vise à précariser encore davantage les immigrés et une large fraction de la classe ouvrière. Mais le Parti socialiste est bien trop lâche politiquement pour réellement affronter la droite sur ce terrain.

A-t-il d'ailleurs une politique très différente à proposer?

Julien Dray a rappelé les mesures qu'avaient adoptées son parti, fin mars, dans le cadre de la commission du projet 2007: une immigration «partagée», fondée sur la «contractualisation des flux migratoires avec les pays d'origine». Très clair, non? Quant aux régularisations, elles seraient «au cas par cas en fonction de critères objectifs.» Une régularisation collective et massive? Pas question!

Fabius, le nouveau «gauchiste» du parti socialiste, a certes prôné une régularisation générale des sans papiers. Mais affolé par sa propre audace, il s'est ensuite ravisé, en rappelant sur Europe1 qu'on «peut être humaniste sans être laxiste» et en faisant dire à son bras droit Bartolone: «La question lui a été posée par un auditeur, et il a été obligé d'y aller d'une manière un peu carrée» (Libération du 04/05)! Strauss-Kahn, lui, s'est prononcé «contre une régularisation massive» et pour «l'établissement de critères acceptés par tout le monde (de Villiers et Le Pen aussi?) et qui font qu'il y a grosso modo 20000 régularisations par an». Bref, que rien ne change, ce qui fait dire à Cambadélis, l'aide de camp de Strauss-Kahn: «Notre position est entre celle de Fabius et celle de Sarkozy» (Libération du 04/05). S'il était président, Jack Lang, lui, réunirait «tous les partis républicains»(l'UMP donc) pour écrire «une charte de l'immigration», au contenu aussi mystérieux pour l'instant que les positions de Ségolène Royal, dont on sait surtout pour l'instant que cette «fille de militaire» est «avant tout une maman».

Quand la gauche imite la droite qui imite l'extrême-droite...

Qu'on se rassure donc: les socialistes restent fidèles à eux-mêmes. Des démagogues qui ont imité la droite en alimentant sans vergogne les mêmes préjugés. Comme Mitterrand («Il ne faut pas dépasser un certain seuil de tolérance») ou encore son premier ministre Rocard («La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.»).

En 1997 le nouveau gouvernement Jospin refusa d'abolir purement et simplement les lois Pasqua-Debré. Il devait cependant faire face à la lutte des sans papiers, qui depuis un an avaient réussi à susciter beaucoup de sympathie dans l'opinion. La gauche voulant se donner des airs plus généreux que la droite, le ministre de l'intérieur Chevènement organisa une vaste opération de régularisation, qui en réalité concerna surtout un grand nombre de sans papiers qui avaient été placés par les lois Pasqua-Debré dans une situation absurde, ni régularisables ni expulsables, souvent arrêtés et placés en centre de rétention, mais libérés par les juges.

Sur environ 140000 candidats à la régularisation (plus de 100000 autres ayant d'emblée renoncé tant ils se savaient loin des critères exigés), moins de 80000 obtinrent des papiers, à l'issue de procédures administratives «au cas par cas» arbitraires et opaques. Pour beaucoup de déboutés, en revanche, la situation s'aggrava: sortis de l'anonymat pour déposer leurs dossiers, ils étaient désormais connus des autorités. Chevènement ordonna aux préfets de les inscrire au fichier des personnes recherchées. Ils reçurent des arrêtés de reconduite à la frontière. La traque se fit plus efficace.

Quant à la pression sur la police pour faire du «chiffre» en matière d'expulsions, ce n'est pas une invention sarkozienne... En octobre 1999 Chevènement adresse une circulaire à tous ses flics: «L'activité en matière d'éloignement des étrangers se situe à un niveau anormalement bas. (...) J'attache aussi du prix à ce que, dans les derniers mois de 1999, une augmentation significative du nombre d'éloignements effectifs intervienne.»

Même l'idée des quotas n'est pas une invention de la droite. Dès 2000, l'ancien dirigeant de SOS Racisme Julien Dray expliquait que le slogan «immigration 0» devait être abandonné, que l'économie avait besoin d'immigrés, qu'il fallait les trier, et il parla le premier d'un «système de quotas».

Mieux vaut donc ne pas compter sur une hypothétique victoire électorale des socialistes en 2007 pour enterrer la loi Sarkozy. C'est dans la rue qu'il sera possible d'imposer la régularisation générale de tous les sans papiers, et c'est dès maintenant qu'il faut s'y mettre!

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