Bolivie : La nationalisation du gaz, une politique légitime10/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1971.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolivie : La nationalisation du gaz, une politique légitime

Le nouveau président de la Bolivie, Evo Morales, a annoncé la semaine dernière la nationalisation du gaz naturel dont la Bolivie possède de riches gisements. C'est la mobilisation populaire depuis 2001, notamment sur la question du gaz, qui a permis l'élection d'Evo Morales, car la population de ce pays, riche depuis toujours en matières premières, a à coeur de se réapproprier les richesses du sous-sol.

En mars dernier, le ministre bolivien des Hydrocarbures avait ainsi expliqué les intentions de son gouvernement: «La nationalisation consistera fondamentalement en la récupération de la propriété de la totalité des hydrocarbures, tant au sol que dans le sous-sol; de la participation majoritaire de l'État dans toute la chaîne de production des hydrocarbures et du contrôle total de sa commercialisation, ce qui inclut le droit de fixer des prix internes et externes, les volumes de vente et la destination.»

L'ex-compagnie publique bolivienne YPFB (Gisements pétrolifères fiscaux de Bolivie), privatisée antérieurement, devrait redevenir le «bras exécuteur de la politique d'hydrocarbures du pays» et «jouer un rôle actif dans toute la chaîne de production du secteur». Et le ministre d'ajouter: «Nous aurons enfin une entreprise publique capable de s'articuler avec les autres entreprises d'Amérique latine, avec l'objectif de mieux défendre les intérêts de notre pays et d'arrêter les politiques de succion.»

En effet, parmi les gazoducs dont dispose actuellement la Bolivie, deux permettent d'alimenter le Brésil, qui achète 50% du gaz. Un troisième fournit l'Argentine. Et le seul couvrant la Bolivie est d'un débit trop limité pour fournir des villes comme la capitale La Paz ou sa banlieue El Alto.

En préalable à la négociation avec les quelque 26 compagnies pétrolières opérant actuellement en Bolivie, dont le groupe français Total, le président bolivien a mis un délai de six mois, au terme duquel les compagnies étrangères devront s'associer avec la compagnie YPFB, qui conserverait la majorité du capital. Dans le cas contraire, les compagnies étrangères seront invitées à quitter le pays.

Ce qu'imaginent les dirigeants boliviens pour leur compagnie nationale s'inspire de ce que le Brésil a fait avec la compagnie Petrobras. Fondée en 1953, à la fin de la dictature de Getulio Vargas, cette entreprise, lancée par des militaires et des civils unis par le slogan «le pétrole est à nous», est devenue la principale entreprise du Brésil et fait partie des douze principales entreprises pétrolières du monde. Elle est plus bénéficiaire que Coca-Cola et la banque Morgan Chase, et juste derrière Microsoft et Chevron Texaco. Si 60% des capitaux de Petrobras ne sont pas brésiliens, l'État brésilien en garde cependant le contrôle. C'est un de ses principaux outils économiques d'influence dans la région.

Cette semaine, le président bolivien a fait savoir qu'il entend obtenir une hausse de deux dollars du prix du gaz naturel vendu aux deux principaux clients que sont le Brésil (30 millions de m3 de gaz achetés par jour) et l'Argentine (5 à 7 millions de m3 par jour). Actuellement, le Brésil paye un prix moyen de 3,4 dollars le millier de BTU (l'unité utilisée dans le commerce du gaz) et l'Argentine 3,19 dollars. Ces tarifs sont quatre fois inférieurs à ceux pratiqués par les États-Unis.

Les nouveaux tarifs vont être discutés, ensuite devraient suivre des accords entre les trois États. Pour le moment, Petrobras est la compagnie qui a manifesté le plus fort mécontentement à l'annonce de la nationalisation. Mais, jeudi 5 mai, lors d'une réunion avec ses homologues argentins et brésiliens, et en présence du président du Venezuela, Hugo Chavez, les présidents Lula et Kirchner ont admis que la nationalisation était un acte souverain et légitime. «Ni le Brésil, ni l'Argentine, ni le Venezuela, ni la Bolivie ne recherchent l'hégémonie. Ils veulent être associés», a déclaré Lula, ce qui contrastait avec l'attitude de Petrobras. Un peu avant, la Bolivie avait conclu un accord avec le Venezuela pour un soutien technique au cas où les multinationales quitteraient la Bolivie.

Si le président bolivien obtient satisfaction, il devrait engranger 600 millions de dollars de recettes, avec lesquels il entend équilibrer un budget en déficit de 350 millions. La tentative d'Evo Morales de desserrer le carcan des grandes puissances impérialistes qui pillent depuis des décennies les richesses de la Bolivie est plus que légitime. Mais les travailleurs et les classes pauvres de Bolivie ne rêvent pas d'«équilibre budgétaire», elles veulent voir leur vie changer et que cet argent serve d'abord à réduire leur misère. Et là aussi, tout reste à faire.

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