Syndicalisme de négociation : Thibault persiste et signe04/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1970.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Syndicalisme de négociation : Thibault persiste et signe

Un secrétaire général réélu sans peine (et sans concurrent), un texte d'orientation approuvé à 80%, le 48ème congrès de la CGT a été sans surprise. Dopé par la victoire sur le CPE, commente la presse, Bernard Thibault se serait relevé sans peine des contestations et notamment de sa défaite l'an dernier face aux partisans d'une consigne de vote Non au référendum. C'est un peu grossir le dopage autant que les contestations dans l'appareil CGT.

Certes Thibault s'est empressé de mettre le recul récent du gouvernement au crédit de sa politique, faisant acclamer en invités d'honneur les secrétaires de l'Unef, Unl et Fidl. Même s'il a eu moins de succès avec son autre invité, François Chérèque, quelque peu sifflé pour de bonnes raisons... ou d'autres plus boutiquières.

Mais c'est bien beau de clamer à la tribune du congrès qu'il faut maintenant avoir la peau du CNE. Au moment où la mobilisation était là, où le gouvernement était contraint à un premier recul, tous les syndicats, CGT incluse, se sont empressés de laisser à Villepin une porte de sortie, en se saisissant de sa proposition de dialogue sur l'emploi des jeunes. Et de refuser de se joindre à la nouvelle manifestation décidée par les étudiants et lycéens. CNE et loi sur l'égalité des chances sauvaient leur peau. Et les syndicats leur politique: leur place à la table des négociations, que Villepin dans sa précipitation à faire passer le CPE avait malencontreusement oublié de leur laisser.

Quant à la victoire contre le CPE, elle n'est évidement en rien le fruit d'une politique de "syndicalisme rassemblé "prônée par Thibault contre les "slogans définitifs et réducteurs "de ceux qui en seraient encore au syndicalisme de lutte de classe. C'est la mobilisation de la jeunesse dans la rue qui a entraîné l'unité des confédérations syndicales, dont aucune ne voulait se déconsidérer en s'en tenant à l'écart. Contrairement à l'automne dernier où, au nom de l'unité, la CGT prenait prétexte de l'absence "d'enthousiasme "(selon les termes de Maryse Dumas) des autres syndicats, pour laisser sans lendemain la journée d'action du 4 octobre. Après avoir laissé sans lendemain, 7 mois plutôt, celle du 10 mars.

En dehors de la bataille du CPE, où la CGT a apporté son soutien aux étudiants et lycéens en lutte, constituant la plus grosse partie des cortèges, le bilan de ces trois dernières années de la CGT, depuis le congrès précédent, a surtout été la participation, comme les autres syndicats, aux marchandages sur la réforme de la Sécurité sociale plutôt que de lutter contre, le contact direct entre Thibault et Sarkozy à l'automne 2004 pour faire avaler les restructurations à Perrier, ou la lettre du même Thibault à Villepin à l'automne 2005 sur la SNCM et l'arrêt de la grève des marins après les avoir laissés isolés, juste avant que ne commence celle des transports marseillais. Quant à la revendication phare du congrès, la "sécurité sociale professionnelle pour que les salariés n'aient pas à souffrir des transitions entre deux emplois que leur imposent les restructurations ", elle revient à proposer la création d'une assurance de reconversion garantie par l'État ou les collectivités territoriales (même s'il faudrait y faire cotiser les patrons) pour adoucir les vagues de licenciements et non les interdire. À rajouter au serpent de mer des fausses promesses de la gauche?

C'est cette politique de "syndicalisme de proposition "que la résolution du 48ème congrès a réaffirmée. Exit toujours la "lutte de classe "qu'en vain quelques délégués ont proposé de réintroduire dans le vocabulaire de la CGT (amendements favorables au terme banni, sur lesquels a ironisé Maryse Dumas!) Seule satisfaction concédée aux syndicalistes réticents: la suppression du mot "compromis "dans la phrase "créer les conditions pour dégager les compromis les plus favorables possible aux salariés". Commentaire valant programme de la même Maryse Dumas: "c'était la première fois que le terme était employé dans un document d'orientation. Il a fait débat. Au prochain congrès il choquera moins".

Il faut dire que la base n'a pas grand mot à dire dans la préparation d'un tel congrès (ni de celui d'aucune autre grande confédération syndicale). Et du coté des dirigeants de fédérations ou unions départementales que l'on présente comme les principaux opposants à Thibault, ce n'est pas le fond de la politique confédérale qui est critiquée. Le successeur de Thibault à la tête de la fédération des cheminots, comme les secrétaires des fédérations des services publics, enseignement et recherche, chimie ou agroalimentaire qui l'avaient mis en minorité sur le référendum, sont tout autant que Bernard Thibault, Maryse Dumas ou Jean-Chrisotphe Le Digou des partisans des compromis sur le dos des travailleurs. Au point que la seule proposition de la direction qui ait été contestée et adoptée avec seulement 63% des voix (après avoir été rejetée en 2003), est celle de modifier le mode d'encaissement des cotisations, changeant la répartition entre les divers organismes des ressources financières.

Mais pour tous les militants ouvriers combatifs, l'évidence s'impose que le prétendu "syndicalisme de proposition "n'a conduit qu'à de dramatiques reculades sur les retraites, l'Unedic, les privatisations, les licenciements, tandis que la récente lutte de la jeunesse, certes soutenue par les journées syndicales appelées par des confédérations qui ne pouvaient faire moins, a envoyé Villepin et sa nouvelle scélératesse pro-patronale dans les cordes.

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