La scandaleuse exploitation des étudiants stagiaires04/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1970.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La scandaleuse exploitation des étudiants stagiaires

Le collectif Génération précaire, créé par des stagiaires à l'automne 2005, vient de publier un livre révélateur, Sois stage et tais-toi, dans lequel il montre qu'une convention de stage -signée entre l'employeur et l'établissement d'enseignement pour fixer les objectifs pédagogiques et les conditions minimales de travail et de rémunération- ne garantit pas du tout le caractère formateur du stage, son seul intérêt étant de "couvrir" le patron en cas d'accident du travail ou de contrôle de l'inspection du travail. Le livre dénonce d'ailleurs l'inflation des conventions signées entre des entreprises qui réclament des stagiaires et des établissements comme le CNAM, Conservatoire national des arts et métiers, ou l'Inalco, Institut national des langues et civilisations orientales.

Cet ouvrage rassemble des dizaines de témoignages qui dénoncent l'exploitation des stagiaires. S'il existe encore des stages "photocopies-machine à café" sans intérêt, le plus souvent les stages correspondent aujourd'hui à des "emplois déguisés", du "travail gris" comme l'appelle Génération précaire. Le stagiaire assume une, voire plusieurs tâches, en remplacement de salariés en congé maternité ou malades, et fait des heures sans compter -un stagiaire dans une entreprise ferroviaire devait remplacer trois personnes pour 200 euros. Il y a même des "postes à stagiaires", occupés à l'année par des étudiants qui se succèdent, la fin du stage consistant à former le stagiaire suivant. Le directeur d'une ONG ironise: "Le problème avec mes stagiaires, c'est qu'ils n'ont pas le même nom." Un véritable système s'est mis en place, des grandes sociétés gérant des centaines de stagiaires, à qui elles font miroiter une embauche, alors que le plus souvent ils n'ont droit qu'à un "au revoir et merci".

Autre avantage pour ces entreprises, les stagiaires sont sous-payés, voire pas payés du tout, car la rémunération est au bon vouloir du patron: les services de Villepin recherchaient par exemple, fin 2005, un stagiaire Bac + 3, expérimenté mais non payé! En pratique, d'après un sondage de décembre 2005, près de 52% des stagiaires ne sont pas payés, 28% touchent 365euros ou moins par mois, 16% moins du smic et 3,90% seulement le smic, pourtant bien insuffisant pour vivre. En effet, et ceci explique cela, si les stagiaires touchent moins de 30% du smic, le patron ne paye aucune charge sociale et le stagiaire n'a aucun droit à la retraite ou au chômage (au-delà de 30% du smic, son stage lui ouvre des droits à la retraite, mais pas au chômage). Quant aux frais de transport, de repas -ou même de logement en cas de stage à l'étranger, de plus en plus nombreux auprès des ambassades de France "stagiophages" selon l'expression de Génération précaire-, ils sont à la charge du stagiaire, qui n'a bien sûr ni congés payés ni RTT.

Si aujourd'hui la demande de stage explose -une école comme l'ESSEC en propose 6000 par an à ses 2200 étudiants- c'est qu'ils permettent au patronat de disposer d'une main-d'oeuvre corvéable, gratuite et compétente. En pratique, des stagiaires en plus, ce sont des embauchés en moins, Génération précaire estimant que les 800000 stages annuels correspondent à près de 100000 emplois. Et on ne peut qu'être d'accord avec le sous-titre de leur livre, "pour en finir avec l'exploitation scandaleuse des stagiaires", un des aspects de cette précarité à laquelle le patronat a de plus en plus recours.

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