Crash de l'A-320 au mont Sainte-Odile : 14 ans de silence judiciaire04/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1970.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Crash de l'A-320 au mont Sainte-Odile : 14 ans de silence judiciaire

Quatorze ans après les faits, s'ouvre à Colmar le procès concernant la catastrophe aérienne du mont Sainte-Odile (Bas-Rhin). Le crash d'un Airbus A-320 avait causé la mort de 87personnes et il n'y avait eu que neuf survivants.

Il paraît que tout est prévu pour que les familles des victimes, qui se sont portées partie civile, puissent suivre les débats dans les meilleures conditions possibles, avec écran géant et salle de repos. Mais cela ne leur fera pas oublier que, depuis quatorze ans, elles attendent toujours de connaître les causes de cet accident. À tel point que l'association Écho, qui regroupe les rescapés et les familles des victimes, a porté plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme pour durée excessive de la procédure.

Pendant quatorze ans, expertises et contre-expertises n'ont cessé de se succéder au cours de l'instruction, chaque partie mise en cause tentant de dégager sa responsabilité en la rejetant sur l'autre. Dans ce procès, sont jugés des responsables d'Airbus Industrie, le constructeur, et de l'ex-Air Inter, filiale d'Air France, ainsi que le contrôleur aérien.

L'avion avait heurté la montagne au cours de la manoeuvre d'atterrissage à l'aéroport de Strasbourg: il volait trop vite, à trop basse altitude et sur une trajectoire déviée de 1,5 kilomètre par rapport à la piste; d'après l'enquête, aucun des deux pilotes de l'appareil n'auraient eu conscience du danger.

L'A-320 venait d'être mis en exploitation et, pour Airbus, reconnaître que cet appareil présenté alors comme une "révolution technique" n'était pas doté de toute la sécurité voulue, aurait pu entraîner la perte de marchés. Et pourtant, deux éléments de radioguidage se sont révélés défectueux: le VOR, qui indique si l'appareil est dans l'axe de la piste, aurait dû révéler l'écart de trajectoire; d'autre part, un unique bouton poussoir servait au pilote à signifier l'angle de descente ainsi que la vitesse verticale, et il est probable qu'il y a eu confusion entre les deux.

Bernard Ziegler, l'ex-directeur technique d'Airbus Industrie, accuse les pilotes qui, selon lui, auraient dû corriger cette erreur... s'ils avaient été suffisamment formés aux nouveaux équipements électroniques, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Il n'empêche qu'après le crash du mont Sainte-Odile, tous les Airbus A-320 connaîtront une modification du tableau de bord pour que la confusion ne soit plus possible.

La compagnie Air Inter, qui exploitait cet Airbus, est accusée quant à elle d'avoir fait voler des pilotes manquant d'expérience, mais surtout de n'avoir pas fait installer sur ses avions le GPWS, un appareil indiquant l'alerte de proximité du sol, sous prétexte que cet appareil donnait parfois de fausses alertes. Si l'Airbus en avait été équipé, les pilotes auraient eu 17secondes pour réagir. Air Inter a rejeté la faute sur la DGAC (Direction générale de l'aviation civile), qui n'avait pas rendu obligatoire l'utilisation de cet appareil sur les avions français, contrairement aux règles édictées par la législation internationale en la matière.

Quant au contrôleur aérien qui a guidé l'approche de l'avion, il est accusé d'avoir donné des informations ambiguës.

Le procès qui s'est ouvert le 2mai durera au moins deux mois. Il permettra peut-être de dégager -dans tous les sens du terme- les responsabilités des uns et des autres. Mais après une aussi longue attente, ces responsabilités auront eu le temps d'être atténuées. En tout cas, pour Airbus, ce délai de quatorze ans a au moins permis de ne pas perturber la fructueuse commercialisation de l'A-320.

Quant à dire, comme le font les autorités, que le drame du mont Saint-Odile aura permis au moins d'améliorer la sécurité aérienne, rien n'est moins sûr. Il suffit de considérer la série de catastrophes et incidents aériens graves qui n'a cessé de s'allonger ces derniers temps, où ce ne sont pas tant les défaillances techniques ou humaines qui sont mises en cause que le manque d'entretien des appareils et la pression exercée sur les équipages par la course à la rentabilité à tout prix.

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