Aéroports de Paris va faire escale à la Bourse04/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1970.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Aéroports de Paris va faire escale à la Bourse

Les journaux, les publicités à la télévision se sont fait l'écho de la prochaine introduction en Bourse d'ADP (Aéroports de Paris), qui gère les aéroports du Bourget, d'Orly et de Roissy, à proximité de Paris.

Pierre Graff, son actuel PDG, a présenté son dossier pour l'ouverture du capital aux spéculateurs du privé. Nommé à la tête d'ADP avec son bras droit Rubichon, il met en place un plan de privatisation que tous deux avaient déjà testé à La Poste.

En juillet 2005 ADP, sur ordre du gouvernement, devenait société anonyme. Depuis, le PDG prépare sa cotation en Bourse pour l'été. Son conseil d'administration comprend un général de brigade aérienne, un directeur central de la Police de l'air et des frontières, un directeur général des Douanes, un directeur des pollutions du ministère de l'Ecologie, le président de Réseau ferré de France, un conseiller technique du ministère de l'Économie chargé du secteur public (sic), un directeur du ministère des Transports, un directeur d'Airbus, un directeur général du fret SNCF, etc. Tout ce beau monde va donc pouvoir mettre les activités d'ADP devenues lucratives entre les mains d'affairistes boursicoteurs.

Une entreprise d'Etat déjà au service du privé...

L'établissement public Aéroports de Paris a été créé en 1945. Il était chargé de gérer et développer les moyens mis à la disposition des transporteurs aériens de l'époque, moyens qui nécessitaient d'importants investissements qu'aucun groupe capitaliste privé ne voulait se risquer à faire.

En février 1961 à Orly, le nouvel aérogare-Sud fut inauguré pour accueillir 1,2 million de passagers par an. L'évolution du trafic imposa une évolution permanente des surfaces : en 1971 ce fut l'ouverture de l'aérogare-Ouest à Orly, en mars 1974 ce fut le début de Roissy avec le terminal 1, puis de 1981 à 2003, l'extension de Roissy-Charles-de-Gaulle 2, pour un trafic total, sur les trois aéroports parisiens, de 75 millions de passagers en 2005.

Jusqu'alors, l'Etat avait toujours en main la gestion d'ADP, même si cet organisme public servait déjà, par de nombreux biais, les intérêts de capitalistes privés liés d'une manière ou d'une autre au transport aérien. En effet c'est bien l'argent des contribuables qui fut utilisé pour construire les bâtiments et les infrastructures indispensables à l'acheminement des passagers et des marchandises. Ce sont des entreprises privées qui se sont fait payer le béton des chantiers, la construction des autoroutes ou l'installation d'une gare TGV desservant toute une partie de l'Europe, comme à Roissy-pôle. Et les banques ont prêté au prix fort et sans risque, avec la garantie de l'Etat ! Par ailleurs, ADP n'a pas attendu pour confier à des sociétés privées la charge du nettoyage ou de la restauration des passagers par exemple, à charge pour elles de rentabiliser tout cela sur le dos de leurs salariés.

...et maintenant, un cadeau alléchant !

Depuis 1998, ADP a créé des filiales pour pouvoir entrer dans le domaine concurrentiel en Europe ou dans le reste du monde: Alysia pour l'assistance en escale, ADPM pour gérer des participations dans des aéroports à l'étranger (Liège, Alger, Conakry, Pékin, Egypte), ADPI pour les études d'ingénierie d'aéroport, Hub Télécoms, SETA, société qui contrôle 13aéroports au Mexique, SDA, société de distribution aéroportuaire pour les boutiquaires, en partenariat avec le groupe privé Hachette (ADP non seulement leur fait payer la location des surfaces, mais les oblige à vendre des produits qu'elle leur fournit). Et depuis 2001, bien entendu, ADP s'est vu confier le secteur de la sûreté antiterroriste, qu'elle a immédiatement sous-traité à des organismes privés divers, comme la Brink's ou d'autres.

Aujourd'hui, avec la concurrence à tout-va et la recherche perpétuelle de secteurs de profits, tous les aéroports européens ont été mis dans le domaine privé (même si les États-Unis, qui avaient eu de l'avance pour ce genre de privatisation, viennent, pour des raisons de sécurité, de réintroduire le contrôle direct de l'État sur les aéroports).

L'État français, à l'instar des autres États européens, va pouvoir appâter les spéculateurs avec les presque 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel d'ADP. Il faut savoir que l'État a bien préparé le terrain, car 60 % de ce chiffre d'affaires provient du véritable racket organisé sur les usagers via les compagnies. C'est ADP qui fixe et perçoit les redevances diverses, la taxe d'aéroport, les redevances domaniales, et qui présente une note salée à l'automobiliste obligé de se garer dans les parcs de stationnement. Les dividendes des futurs actionnaires sont déjà bien garantis par ce racket ! D'autant que l'État vient d'autoriser ADP, pour rendre l'affaire encore plus alléchante, à augmenter ces diverses taxes de 5% par an pendant cinq ans ! Et nul doute qu'une fois la privatisation bien lancée, l'État diminuera encore sa participation (51 % pour le moment) dans ADP.

Les intérêts des actionnaires sont incompatibles avec ceux des 10000 salariés du groupe. Ceux-ci, qui n'espèrent évidemment rien de l' "actionnariat salarié" qu'on leur propose, savent bien qu'ils ne devront compter que sur leurs luttes pour résister aux mesures qui ne manqueront pas d'être prises contre eux, comme cela a été le cas lors de toutes les privatisations d'entreprises publiques.

Et si la gestion privatisée des aéroports s'avérait être un échec et une mauvaise affaire pour les nouveaux actionnaires, ou si, comme aux États-Unis, elle débouchait sur une pagaille et une insécurité préjudiciables à tout le transport aérien, nul doute que l'État aurait à coeur d'en reprendre les rênes et d'en racheter les actions, même au-dessus de leur valeur...

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