Troupes françaises en Afrique,lois anti-immigrés ici, les deux bouts d’une même politique impérialiste28/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1969.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Troupes françaises en Afrique,lois anti-immigrés ici, les deux bouts d’une même politique impérialiste

Malgré les affirmations du ministère de la Défense, niant la participation des troupes françaises aux combats qui, au Tchad, ont opposé le dictateur en place, Idriss Déby, à une rébellion armée, l'aide militaire française a été décisive pour sauver la mise au dictateur de ce pays d'Afrique, menacé jusque dans sa capitale.

En protégeant Déby, le gouvernement français prétend protéger le gouvernement légitime du Tchad. Mais la légitimité n'a rien à voir à l'affaire. Déby lui-même, ancien chef d'état-major du dictateur précédent Hissène Habré, est arrivé au pouvoir en 1990 en entrant en rébellion contre son patron avec l'aide des services secrets français.

La France s'était fort bien accommodée de Habré pendant dix ans, malgré le régime de terreur qu'il imposait à son peuple. Mais elle ne lui pardonna pas de se tourner vers les États-Unis.

Grâce à la France, ses armes et ses services secrets, Déby prit la place de Habré, et bénéficie depuis du soutien de Paris.

Le Tchad est un des pays les plus pauvres du continent africain, qui compte pourtant bien des pays très pauvres. Mais, même dans des pays où la population crève de misère, il y a de l'argent à gagner.

La France coloniale a imposé de force aux paysans du sud du Tchad la culture du coton au détriment de la culture vivrière. Marcel Boussac, le roi du textile dans les années cinquante, alors l'homme le plus riche de France et sans doute d'Europe, fit sa fortune en exploitant les 25000 ouvriers de ses usines de cotonnades en France, mais aussi les dizaines de milliers de paysans du Tchad qui lui fournissaient le coton.

Aujourd'hui, ce n'est plus le coton qui promet des profits plantureux mais le pétrole découvert dans le sous-sol. Dans la rivalité qui oppose des trusts pétroliers pour contrôler ce pactole, un «gouvernement ami», fût-ce un dictateur qu'il faut protéger contre son propre peuple, est un atout pour le trust Total-Elf.

Et puis, assurer la protection du dictateur du Tchad, c'est montrer aux autres gouvernements de l'ex-empire colonial d'Afrique que, partout où les capitalistes français ont des intérêts, les «gouvernements amis» peuvent compter sur la France et son armée.

Voilà pourquoi, quarante ans après la fin de son empire colonial en Afrique, la France maintient des bases militaires, de Djibouti à Dakar, au Sénégal, en passant par Libreville au Gabon, N'Djamena au Tchad et Abidjan en Côte-d'Ivoire. En protégeant les régimes locaux, l'armée française protège les groupes capitalistes qui pillent les richesses naturelles de ces pays, du pétrole du Gabon ou du Congo à la bauxite de la Guinée. Elle protège ceux qui s'enrichissent par l'exploitation des ouvriers aux salaires misérables et des paysans auxquels on rachète à des prix dérisoires leur coton, leur arachide, leur cacao ou leur café. Elle protège les banques qui exigent des peuples qu'ils remboursent les dettes faites par leurs dirigeants pour financer les travaux de prestige commandés à Bouygues ou pour acheter des armes.

L'Afrique est aujourd'hui le continent le plus pauvre. Il l'est parce que les richesses de ses pays ne profitent en rien à leurs peuples, mais seulement aux groupes capitalistes qui dominent leur économie et aux dirigeants locaux qu'ils corrompent.

Et lorsque l'espoir de trouver du travail et l'illusion d'une vie meilleure poussent à l'émigration des pauvres du continent, ils se heurtent d'abord aux barbelés dont l'Europe s'entoure, puis aux lois répressives qui frappent partout les immigrés.

Les relations entre la France et l'Afrique, c'est tout cela. Y mettre fin, ce serait mettre fin à un système économique et social fait pour polariser la richesse entre quelques mains en appauvrissant la majorité de la population. Les travailleurs n'ont pas à être rendus complices, même indirectement.

Troupes françaises, hors du Tchad et de toute l'Afrique! Non aux lois anti-immigrés: à celles que prépare Sarkozy et à celles décidées par ses prédécesseurs, de droite comme Pasqua ou Debré ou prétendument de gauche comme Chevènement!

Arlette LAGUILLER

Editorial des bulletins d'entreprise du 24 avril

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