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Tribune de la minorité
Loi Sarkozy : Après les jeunes, les immigrés!
Après avoir reçu une gifle avec le retrait du CPE, le gouvernement tente de se refaire une santé sur le dos des immigrés.
La concurrence est en effet sévère en matière de démagogie. Après Le Pen, voici de Villiers qui affirme que «l'Islam est incompatible avec la république». Pour Sarkozy, pas question de se laisser déborder sur sa droite. Samedi il s'est encore incliné bien bas pour racler le fond des égouts de l'extrême droite: «On en a plus qu'assez d'avoir en permanence le sentiment de s'excuser d'être français. Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter.»
Il joint le geste à la parole. La chasse aux immigrés sans papiers ne cesse de s'intensifier, pour satisfaire les quotas du ministre: 23000 expulsions en 2005 (+26% par rapport à 2004), 26000 en vue pour 2006... Les rafles se multiplient, dans les stations de métro, les restaurants populaires, les foyers. Les préfets demandent aux proviseurs des lycées de leur communiquer les noms des élèves «en séjour irrégulier». Une circulaire ministérielle prévoit même l'organisation de convocations, soi-disant pour examen de dossier de régularisation, qui permettraient d'arrêter les sans-papiers directement aux guichets des préfecture!
Une loi honteuse...
Et maintenant ce projet de réforme du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), en lecture au parlement dès le 2mai. Sous les relents nauséabonds du slogan «l'immigration choisie plutôt que l'immigration subie», en précarisant encore plus la fraction la plus opprimée de la classe ouvrière, il y a la volonté de satisfaire encore mieux les besoins du patronat.
D'abord en refoulant les étrangers «inutiles», ceux qui viennent pour le mariage, le regroupement familial, les enfants, la santé... Obtenir un titre de séjour «vie privée et familiale» deviendrait beaucoup plus difficile pour les étrangers qui ont épousé un Français, puisque sa délivrance n'est plus «de plein droit», qu'il faudra attendre trois ans au lieu de deux, et satisfaire à une mystérieuse «conformité aux principes de la République» dont seule l'administration sera juge.
La loi s'attaque au regroupement familial (allongement de la durée de séjour régulier exigée pour le demandeur, durcissement des conditions de ressources et de logement). Elle abolit la possibilité d'une régularisation pour les immigrés sans papiers qui pouvaient justifier (à des conditions déjà draconiennes et arbitraires) une présence de plus de 10 ans sur le sol français. Elle facilite l'expulsion de ceux qui, sans papiers, étaient parfois rendus inexpulsables pour des raisons familiales, par exemple le fait d'avoir des enfants en séjour régulier en France. Elle durcit même les conditions d'obtention d'un titre de séjour pour raisons médicales, puisqu'il faudra désormais que «le pronostic vital soit en jeu» à court terme!
Mais la loi veut aussi trier parmi les immigrés économiquement «utiles»: elle prévoit des objectifs annuels chiffrés de visas de travail à délivrer, par secteurs d'activités. Autrement dit des quotas. Avec en plus des régimes plus différenciés: une carte de séjour «capacités et talents» pour quelques étrangers particulièrement qualifiés qu'il s'agit de voler aux pays pauvres en les attirant durablement sur le sol français. Pour la grande masse des immigrés, destinés aux sales boulots non qualifiés et mal payés, des cartes de séjour professionnelles temporaires, qui ne leur permettront presque jamais de faire venir leur famille auprès d'eux.
Célibataire, précaire et en bonne santé: voilà le bon étranger!
...qui mérite de finir comme le CPE.
Comme le CPE, la loi Sarkozy vise à précariser encore davantage le monde du travail. Comme le CPE, elle pourrait tomber sur un os. Si les immigrés et les travailleurs français se retrouvent ensemble, il est possible de la faire échouer. Les immigrés, les plus précaires, les plus fragiles de tous les travailleurs, ont déjà trouvé le chemin de la lutte. En 1996, quand certains se sont organisés en collectifs pour exiger une régularisation générale, et sont sortis au grand jour. En occupant l'église Saint Bernard, en protestant contre les lois Pasqua-Debré, ils s'attirèrent alors la sympathie d'une partie de la population. Depuis leurs luttes pour des «papiers pour tous» n'ont jamais vraiment cessé.
Ce serait bien sûr notre intérêt, celui de tous les travailleurs, de rompre avec tous les préjugés sur lesquels compte le pouvoir pour nous diviser et de donner ensemble un coup d'arrêt à cette démagogie anti-immigrés du gouvernement. Car la précarité des uns permet toujours d'accroître la pression sur les autres, elle tire partout à la baisse les salaires et favorise la détérioration des conditions de travail.
Il serait illusoire d'attendre après une hypothétique victoire de la gauche en 2007: en 1997, celle-ci nous avait déjà fait le coup de l'indignation contre l'inhumanité de la droite. Mais arrivée au pouvoir, elle a trahi les espoirs des sans papiers, ne régularisant qu'une partie d'entre eux, et rendant la vie encore plus dure aux autres. Une fois de plus nous ne pouvons compter que sur nos propres luttes! Et ça commence dès samedi prochain, le 29 avril, avec des manifestations dans toute la France contre la loi Sarkozy.