Dassault, vingt ans après : Subventions en Rafaleet Mystère des profits28/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1969.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Dassault, vingt ans après : Subventions en Rafaleet Mystère des profits

Le vingtième anniversaire de la mort de Marcel Dassault a été célébré le 21 avril par une messe aux Invalides, une parade aérienne de quatre avions Rafale au-dessus de Paris et la présence, «à titre privé», de Chirac.

À cette occasion une partie de la presse, pas seulement celle qui est la propriété du Groupe Dassault, et une partie du monde politique, pas simplement la coterie de Chirac que Dassault patronnait, a reparlé du «génie industriel» de celui-ci. Mais le «génie» en question consistait en une remarquable capacité à profiter de l'argent public et de la puissance de l'État.

Dassault a toujours su obtenir des commandes sur projet de l'État avant de se lancer dans la fabrication des avions commandés, ce qui est une manière très efficace de limiter les risques et de réduire l'incertitude des marchés. Avec l'arrivée au pouvoir de De Gaulle en 1958, il était même parvenu à devenir le seul fournisseur d'avions de combat de l'armée française (plus de concurrence), à se faire subventionner les études pour les nouveaux modèles (pas d'investissements à risque), à faire faire la publicité de ses matériels par l'armée de l'air, les ambassadeurs et les présidents de la République (baisse des coûts) et, finalement, à faire subventionner ses exportations par l'État (rentabilisation). Ce «génie» des affaires a décidément coûté très cher aux finances publiques.

Dassault avait été nationalisé deux fois, en 1936 et 1981, et, comme il le disait lui-même, il ne s'en portait pas plus mal. À chaque fois l'État lui avait payé ses usines et il était resté à leur tête. De plus, avec l'argent frais obligeamment fourni par les gouvernements, il avait fondé des sociétés très rentables gravitant autour de celles qui venaient d'être nationalisées. La composition du capital des sociétés auxquelles il participait était discutée au gouvernement, sans que jamais ses intérêts soient lésés. De nationalisation en privatisation, de participation de l'État en désengagement de l'État, de fusion en acquisition (organisées par l'État) la fortune privée de Dassault s'est accrue à chaque mutation.

Son dernier coup a été l'avion de combat Rafale. Vingt-six ans après sa mise à l'étude, il n'est toujours pas opérationnel, aucune aviation au monde n'a voulu en commander, malgré les efforts successifs de Mitterrand et de Chirac pour en faire la promotion. Ce dernier a encore essayé d'en vendre quelques-uns à l'Arabie Saoudite le mois dernier, sans succès. Cet avion n'existe qu'à quelques exemplaires, qui sont à l'essai depuis des années dans l'aviation et la marine nationales pour des «derniers réglages». Eh bien Rafale est quand même une affaire très rentable pour Dassault: l'État a tout subventionné depuis le début, tous ministres de la Défense confondus, ce qui aurait coûté cinquante milliards de francs et, pour finir, en a tout de même commandé trois cents exemplaires à 45 millions d'euros pièce (sans options...).

L'anniversaire de la mort de Dassault aura donc été à l'image de sa vie: une cérémonie publicitaire pour une firme privée, faite dans un bâtiment public, avec du matériel public et sous le patronage amical et «privé» du premier personnage de l'État.

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