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Leur société
Caisse des Dépôts : Pour se loger ou pour spéculer?
La Caisse des Dépôts qui fut entre autres créée pour gérer le 1% patronal, vient d'introduire en Bourse sa filiale immobilière, Icade. En un seul jour, la valeur des actions a grimpé de plus de 9%. «Pour sa première cotation, Icade enflamme le marché», commente un journal financier. Mais pour des dizaines de milliers de locataires, ce sont les loyers qui flambent.
Environ 45000 logements, pour la plupart en Île-de-France, appartenant à la Caisse des Dépôts ont été rattachés à sa filiale Icade, avec à la clé des augmentations de loyer, afin de rejoindre le prix du marché de l'immobilier, même si leurs occupants ne sont pas plus fortunés que ceux des HLM.
Quand ces 45000 logements ont été construits, dans les années soixante, il s'agissait de logements sociaux. Puis, la Caisse des Dépôts, invoquant le blocage de leurs loyers, les avait laissés se dégrader jusqu'à ce que, vingt ans plus tard, l'État lui verse des subventions pour leur réhabilitation. La Caisse des Dépôts avait alors signé des conventions l'engageant à pratiquer pour ces logements des loyers de HLM, mais pour une durée limitée. En 1996, elle a commencé leur «déconventionnement», qui s'est traduit, au fil des ans, par des hausses de loyers considérables. Depuis, à la faveur d'un changement d'occupant, le loyer peut plus que doubler d'un seul coup. Et les locataires en place ne sont pas à l'abri: à l'occasion du renouvellement du bail, la Caisse des Dépôts introduit de nouvelles dispositions, se traduisant par de fortes hausses de loyer.
Dans un livre paru en septembre dernier, la socialiste Marie-Noëlle Lienemann, qui fut secrétaire d'État au Logement en 2001 et 2002, déclare avoir dépensé à l'époque «une énergie considérable» à l'encontre de la Caisse des Dépôts pour «éviter la disparition pure et simple de milliers de logements sociaux dans des villes comme Sarcelles, Bagneux, Montreuil, Fontenay-aux-Roses, Cachan, Gonesse...», mais elle n'a obtenu, dit-elle, «qu'un succès modéré». Elle se garde bien de mentionner que le directeur général de la Caisse des Dépôts est nommé par le gouvernement et qu'en tant que responsable de cette politique de hausse des loyers sociaux, il aurait pu être révoqué en conseil des ministres, ce que le gouvernement de Jospin, auquel Lienemann participait, n'a bien sûr pas fait.
Avec les gouvernements de droite, les hausses de loyers se sont poursuivies. La Confédération nationale du logement du Val-de-Marne estime que près de 9800 logements de ce département doivent être sortis des loyers HLM. À Sucy-en Brie et à Chevilly-la-Rue, les maires se sont plaints de cette politique qui leur coûterait une amende, la proportion de logements sociaux dans leur commune descendant alors en dessous de 20%.
La grogne qui s'est répandue parmi les élus locaux, y compris ceux de l'UMP, a conduit la Caisse des Dépôts à décider un gel du déconventionnement jusqu'en 2007, autrement dit un simple répit jusqu'aux élections. Mais cette parenthèse étant passée, seuls les intérêts des actionnaires d'Icade seront pris en compte... sauf si la lutte des habitants venait lui imposer un recul.
Dans plusieurs communes d'Île-de-France, des associations de locataires ont entrepris des actions pour refuser le nouveau bail «déconventionné» et les hausses de loyer qu'il engendre. Et c'est bien le seul moyen de résister à un système dans lequel ne compte que la rentabilité financière, au mépris des besoins en logements.