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- Lutte ouvrière n°1968
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Dans les entreprises
Arte et la sidérurgie lorraine : «Elle est tombée par terre... la faute aux prolétaires!»
Le mardi 11 avril, Arte présentait une soirée Thema dont le titre: «Le chômage n'est pas une fatalité», était bien la seule chose juste. Car passé le titre, ça se gâtait. Deux reportages étaient censés illustrer le thème de l'émission: un sur Longwy -la catastrophe- et un sur une ville charbonnière d'Angleterre -la merveille grâce à la politique de Thatcher.
En Lorraine, le passage du reportage sur Longwy, «Lorraine coeur brisé», a suscité nombre de protestations, dont la presse locale s'est fait l'écho, tant le reportage sur la fermeture des usines sidérurgiques de la région était une caricature. Parlant de Longwy comme d'un Eldorado, dans les années 1960, alors que la vie et les conditions de travail dans les usines sidérurgiques étaient très dures, la crise de la sidérurgie des années 1970 y était présentée comme la conséquence naturelle d'usines vétustes et d'ouvriers en sureffectif. Les responsabilités patronales? Inconnues au bataillon!
Pour les réalisateurs, les pouvoirs publics avaient beaucoup trop traîné... à cause des manifestations ouvrières. Il aurait fallu licencier tout de suite, cela aurait coûté moins cher à l'État, qui a payé la casse sociale. Comme si l'argent public avait atterri dans la poche des ouvriers licenciés et pas dans celles des barons de l'acier, bien content de se dégager d'une industrie dans laquelle ils n'investissaient plus. Les de Wendel et les autres, grâce à la prise en charge de leurs dettes par l'État sous la droite, puis la nationalisation sous la gauche, ont continué à arrondir leur fortune ailleurs. Pas un mot n'était dit sur les héritiers de Wendel, aujourd'hui 750, dont la fortune est gérée par Seillière et dont la situation est à l'opposé de celle de la population laborieuse de Longwy.
Le film fourmillait d'inepties et de contrevérités. Ainsi il attribuait le plan Acier adopté en mars 1984 au Premier ministre Fabius. C'était lui donner de la promotion avant l'heure! Il n'avait été nommé à ce poste que le 18 juillet 1984. En mars, c'est Mauroy qui était à la tête d'un gouvernement comprenant des ministres communistes, même si Fabius, en tant que ministre de l'Industrie a eu, bien sûr, sa part de responsabilité dans le plan Acier.
Des régions industrielles comme Longwy ont été sinistrées. Pour faire face à cette situation, la solution préconisée par les différents gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédé, a été d'offrir aux industriels, sous prétexte de les inciter à créer des emplois, des aides considérables. Ça n'a pas marché, constatait le reportage, qui affirmait que c'était à cause -devinez- des manifestations!
Était ainsi interviewé Jacques Chérèque, ancien numérodeux de la CFDT, et père de son secrétaire général actuel, membre du PS et qui fut nommé par Fabius en 1984 préfet à la reconversion industrielle. Lui aussi laisse entendre que si les industriels ne sont pas venus ou sont partis, c'est seulement à cause des manifestations de la CGT! Et d'évoquer JVC, Panasonic ou Daewoo... en mentant délibérément car les manifestations -qui impliquaient d'ailleurs aussi la CFDT et FO dans plusieurs entreprises- ont eu lieu en réponse aux menaces de fermetures d'usines. Bien sûr, pas un mot sur ce qu'est devenu l'argent touché par ces groupes, ni sur les liens entre ces groupes et la droite française (le patron de Daewoo était un ami proche de Chirac et Longuet), ni sur le fait que les trusts de l'acier, qu'on disait moribonds, sont aujourd'hui parmi ceux qui rapportent le plus de profits à leurs actionnaires.
Non, pour les responsables de cette émission, si ça va mal, ce n'est pas à cause de la rapacité des industriels et des banquiers, mais à cause des travailleurs qui ne veulent pas se laisser faire et font fuir les industriels. La voix de leurs maîtres!