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- Lutte ouvrière n°1967
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Editorial
Le gouvernement a reculé, mais la lutte contre la précarité reste à l'ordre du jour
Pour éviter les mots "retrait" ou "abrogation" du CPE, le trio Chirac-Villepin-Sarkozy s'est donc mis d'accord sur le mot "remplacement". L'article 8 de la loi sur l'égalité des chances est remplacé par un autre sur "l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté", un mélange improvisé de contrats déjà existants, aussi bidons face au chômage. Pour expliquer son recul devant le mouvement anti-CPE -parce que cela en est un-, Villepin a encore osé jurer de ses bonnes intentions en affirmant: "Je n'ai pas été compris, je regrette".
Eh bien, au contraire, les étudiants et les lycéens à l'origine du mouvement, aussi bien que les salariés qui ont participé aux manifestations, ont très bien compris que le CPE était un pas de plus dans la légalisation de la précarité sans avoir le moindre effet sur le chômage. C'est leur lutte qui a obligé à reculer les Villepin, Chirac, Sarkozy, cette poignée d'individus qui prétendent représenter la majorité de la population pour mener une politique au service des intérêts d'une minorité de possédants. Le CPE disparaît, mais pas le CNE qui légalise tout autant la précarité. Par ailleurs, seul un article de la loi sur l'égalité des chances est retiré, alors que cette loi contient au moins deux autres articles qui sont des mesures clairement contre les intérêts du monde du travail, et plus particulièrement de sa jeunesse: celui qui instaure l'apprentissage dès 14 ans, qui livre aux patrons une main-d'oeuvre très jeune, corvéable à merci pour balayer l'atelier, et celui qui autorise le travail de nuit dès 15 ans, une régression sociale qui nous ramène plusieurs décennies en arrière.
Les jeunes qui continuent à réclamer le retrait du CNE et de la loi sur l'égalité des chances et qui appellent à manifester le 11 avril et après, même s'ils ne sont pas certains d'avoir la force de l'imposer, ont cependant raison. Ils méritent le soutien des travailleurs.
Les confédérations syndicales sont contentes de s'engouffrer dans la proposition d'un "dialogue" avec le gouvernement, prétendument pour trouver des remèdes au chômage des jeunes. Mais c'est un faux dialogue qui ne pourra déboucher sur rien.
Il y a chômage des jeunes parce qu'il y a chômage. Et il y a chômage parce que les patrons sont libres de licencier, et pas seulement ceux qui sont en intérim, en stage ou sous un contrat précaire. Ils sont libres de procéder à des licenciements collectifs, même des salariés en CDI, pour "restructurer", délocaliser ou simplement augmenter la valeur de leurs actions en Bourse.
La seule façon de diminuer le chômage des jeunes, comme des moins jeunes, serait d'imposer aux patrons l'interdiction des licenciements collectifs, l'obligation de consacrer une partie de leurs profits exceptionnels à maintenir et à créer des emplois, quitte à répartir le travail entre tous.
Mais tout cela, personne n'en parle, pas plus l'opposition de gauche que la majorité de droite. Parce que ni l'une ni l'autre ne veut toucher aux profits patronaux. Au contraire: les propositions de la gauche consistent à favoriser les emplois dits aidés, où c'est le patron qui serait aidé par une réduction ou une suppression des charges sociales, une diminution de sa fiscalité, voire une subvention où l'État paierait une partie du salaire du nouvel embauché.
Le retrait du CPE est un succès surtout en ceci que la façon de l'obtenir par la rue montre la voie. La mobilisation a été celle des étudiants et des lycéens, qui ont bénéficié de la sympathie de l'écrasante majorité des salariés qui s'est manifestée à l'occasion des journées nationales d'action. Mais le patronat n'a pas été menacé dans ce qui lui est le plus cher, dans ses profits.
Alors, ceux qui parlent de la fin de la crise sociale et commentent la seule crise de la majorité et la rivalité Villepin-Sarkozy prennent peut-être leur désir pour la réalité. Car la crise sociale vient de la guerre de classe féroce menée par le grand patronat contre le monde du travail, avec le soutien de tous les gouvernements. Elle ne pourra être stoppée que par l'entrée massive des travailleurs dans la lutte, par des manifestations, par la grève, avec le poids social qui est le leur, capable de faire reculer patronat et gouvernement.