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Dans les entreprises
Hospices Civils de Lyon (HCL) : Quand l'hôpital devient une entreprise
Depuis vingt ans, les différents gouvernements ont eu pour politique de mettre en place des plans successifs d'économies dans les hôpitaux. Ils sont ainsi arrivés à supprimer 85000 lits au niveau national. Cette politique se poursuit aujourd'hui.
Mise en place de la tarification à l'activité
De 1984 à 2004, les hôpitaux étaient sous le régime du budget global, indépendant de l'activité réelle, mais ce budget n'était jamais à la hauteur des besoins, ce qui fait qu'au fil des années ils ont accumulé des déficits. Depuis 2004, nous sommes passés progressivement à la tarification à l'activité, 35% du budget en 2006, avec comme objectif 100% en 2012.
Cette tarification à l'activité consiste à codifier tous les actes effectués et à recevoir une dotation en fonction de cette activité, ce qui semblerait à première vue plus juste. Mais ce n'est pas le cas car, pour chaque pathologie, une tarification moyenne nationale a été estimée, qui tient compte également d'une moyenne du temps d'hospitalisation, et le remboursement par la Sécurité sociale se calcule sur cette base. Or les hôpitaux reçoivent les pathologies les plus lourdes, celles qui coûtent cher et dont le privé ne veut pas. Ainsi, il n'est pas rare que des malades du privé soient transférés à l'hôpital simplement parce qu'ils ont besoin d'un traitement trop coûteux. Quant aux personnes âgées qui ne trouvent pas de place en long séjour et restent hospitalisées plus longtemps que ce que la codification a prévu, leurs jours supplémentaires d'hospitalisation resteront à la charge de l'hôpital. En fait le gouvernement veut réduire les prestations données aux patients.
Une nouvelle organisation de l'hôpital
Pour atteindre ce but et impliquer surtout les médecins, une des innovations est la mise en place des PAM (Pôle d'activité médicale). Chaque PAM regroupe plusieurs services de même spécialité ou de spécialités complémentaires. Il peut se situer sur plusieurs sites géographiques et est dirigé par un médecin. Six PAM sont actuellement en expérimentation aux Hospices Civils de Lyon, qui devraient en compter en tout 54.
Chaque PAM est une véritable entreprise qui fonctionne avec son propre budget. Le médecin responsable devient un chef d'entreprise gestionnaire. Il gère aussi bien le budget des effectifs, celui des dépenses liées à l'activité, les dépenses en matériel, en hôtellerie (consommation de draps, repas) mais aussi les transports de malades, la formation du personnel, la notation. S'il a un déficit d'exploitation, il sera obligé de repenser ses modes de financement. S'il est un bon gestionnaire et génère des économies, il pourra prétendre à un intéressement (achat de matériel par exemple). Mais apparemment, beaucoup de médecins refusent ce rôle de gestionnaire.
Un langage d'entreprise
Depuis plusieurs années déjà, à l'hôpital, on ne parle plus de malades mais de "clients ", tout un symbole! Maintenant, on nous parle d'optimisation des ressources, de mise en concurrence entre les hôpitaux publics et le privé, de reprendre des parts de marché! Et si l'activité est mieux gérée ailleurs, elle pourrait y être transférée. On nous rebat les oreilles de mots tels que rentabilité, productivité, flexibilité, polyvalence, course aux économies. Un PAM comme celui des laboratoires est prestataire du reste de l'hôpital et lui vend ses services.
Cette nouvelle organisation doit avoir comme but de faire plus avec moins: moins de personnel, moins de remplacements, moins de prescriptions d'examens, moins de dépenses en médicaments, moins de retours à domicile en ambulance, diminution du temps d'hospitalisation, augmentation du nombre de "clients" pour avoir plus d'activités en dépensant moins. Le risque est que l'on essaye de sélectionner les malades pour éviter qu'ils dépassent le prix correspondant à leur pathologie.
La préoccupation: faire payer les patients
À l'hôpital Édouard-Herriot, qui fait partie des Hospices Civils de Lyon, on oblige les personnels des bureaux des entrées à garder la carte Vitale des patients lors de leur enregistrement, pour qu'ils soient obligés à la sortie de repasser par les bureaux pour régler leur facture. Le personnel de ces services fait de la résistance, mais les services financiers font pression pour qu'il le fasse. Ils vont même jusqu'à placarder les performances des règlements de factures de chaque antenne administrative! Il faut savoir que les prix de journée ont beaucoup augmenté (+ 38%) pour éponger une partie du déficit. Pour les même raisons, la direction générale vient d'annoncer qu'elle allait faire payer 35euros supplémentaires par jour aux patients qui voudraient une chambre individuelle... Comme dans le privé.
Accélération de la dégradation des conditions de travail
Un des scénarios envisagés par la direction générale est d'économiser 25millions d'euros sur deux ans. En plus des 312postes déjà supprimés en 2004, 470autres devraient disparaître entre 2006 et 2007, dont 70postes de médecins. Des économies devront être réalisées sur les produits pharmaceutiques. La rentabilité de l'organisation du travail pourrait se faire par la mise en place de la flexibilité des horaires de travail en fonction des flux d'activité.
En transformant l'hôpital public en une véritable entreprise avec comme objectif de réaliser toujours plus d'économies, on s'attaque à un service public essentiel pour la population. Bien des salariés auront de plus en plus de difficultés à se faire soigner correctement. La question ne se pose plus seulement à l'échelle de l'hôpital, c'est à toute la politique du gouvernement qu'il faudra s'attaquer.