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Leur société
"Flexibilité, souplesse, agilité" : L'inflexible défense des profits
La précarité associée le plus souvent à la flexibilté a été au coeur du conflit pour l'abrogation du CPE. La principale finalité du CPE, comme du CNE qui l'avait précédé, était de faciliter à l'extrême pour les patrons le licenciement de leurs salariés, sans avoir à s'embarrasser de motif à donner pendant deux ans. Mais mettre en cause la flexibilité a posé un problème à bien des dirigeants, et de tous bords.
Le patronat, le premier, a tenu à répéter qu'il ne fallait pas confondre la précarité, rejetée par la population, avec la flexibilité "si vitale pour les entreprises". Laurence Parisot, la présidente du Medef a ainsi affirmé, sans rire, que "le débat sur le CPE a permis à beaucoup de Français de prendre conscience de la nécessité de la flexibilité", précisant que "pour la première fois le lien avait été fait entre le chômage élevé et la rigidité du monde du travail". Elle ajoutait "réfléchissons à ce que j'appellerais "la séparabilité" de l'entreprise et de l'employé", car selon la présidente du Medef: "Toutes nos lois ont abouti à protéger ceux qui sont déjà dans un emploi, mais elles créent un mur qui empêche les autres d'y entrer". "Il faut comprendre que la facilité de licencier et la facilité d'embaucher sont articulées l'une et l'autre".
Que Sarkozy reprenne cette argumentation, personne ne s'en étonnera. Ainsi le 11 avril il claironnait: "La flexibilité peut être une chance"."On a fait les retraites ça s'est passé sans drames, on a fait le CNE, ça s'est passé sans drame". "Les Français acceptent le changement", "le changement sera une nouvelle sécurité pour les Français". Tout cela pour aboutir à ce que Sarkorzy ose appeler le "gagnant-gagnant".
Mais il n'y a pas que du côté de la droite que les exigences du patronat sont reprises. Ainsi Laurent Fabius, qui entend se situer aujourd'hui "sur la gauche de la direction du Parti Socialiste", a tenu à reprendre à son compte la flexibilité revendiquée par le patronat, mais il l'appelle, lui, "souplesse". "Sur certains points, les entreprises ont besoin de souplesse", affirmait-il, "il y a des formules à trouver qui permettent parfaitement de garantir la sécurité du travail et, en même temps, la souplesse nécessaire aux entreprises".
Enfin il y a l'incontournable Ségolène Royal, consoeur et concurrente de Fabius au sein du PS. Avant le déclenchement du conflit sur le CPE, elle avait été interviewée par le Financial Times. À la question: comment concilier le désir de sécurité des salariés et le besoin d'adaptation des entreprises? Ségolène Royal avait répondu: "Par la flexiblité". Cela avait provoqué quelques réactions, y compris au sein du Parti Socialiste. Du coup la potentielle candidate à la candidature présidentielle du PS avait prétexté "une erreur de traduction", car affirma-t-elle, elle avait parlé de "souplesse". Comme Fabius en somme. Mais aujourd'hui la voilà qui parle... "d'agilité". "Je souhaite rééquilibrer le rapport salariés-employeurs en offrant la sécurité aux uns tout en donnant aux autres l'agilité dont elles ont besoin pour s'adapter aux évolutions de la conjoncture".
Pour tous ces gens-là, flexibilité, souplesse ou agilité, sont réservées aux salariés pas aux patrons.
Certes, il y a toujours eu des modifications et des adaptations dans les modes de production, mais pourquoi ce serait aux seuls travailleurs de faire les frais de la marche des affaires de leurs patrons, qui en seront au bout du compte les seuls bénéficiaires? S'il faut des adaptations c'est au patronat et aux actionnaires d'en assumer seuls les conséquences et les frais, pas aux travailleurs! Ils ont largement de quoi, en puisant sur les profits qu'ils ont amassés depuis des années. C'est pourquoi les travailleurs ont toutes les raisons de rester "inflexibles" pour refuser les sacrifices et la soumission que les uns et les autres essayent de leur imposer.