États-Unis : La "réforme de l'immigration", un jeu de dupes contre la classe ouvrière12/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1967.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : La "réforme de l'immigration", un jeu de dupes contre la classe ouvrière

Après les grandes manifestations du 25mars dernier réclamant la régularisation des travailleurs sans papiers, de nouvelles manifestations ont eu lieu le 10avril, toujours sous l'égide des Églises et des associations d'immigrés. C'est un projet de loi extrêmement répressif contre l'immigration illégale adopté en décembre dernier par la Chambre des représentants qui a été à l'origine de cette mobilisation. Mais les organisateurs s'efforcent surtout d'utiliser les manifestations comme moyen de pression sur le Congrès pour adopter une prétendue "réforme" de l'immigration voulue par le patronat, qui tout en faisant miroiter aux immigrés une hypothétique régularisation permettrait surtout de légaliser l'emploi de ces travailleurs clandestins... et aux grandes entreprises de bénéficier d'une main-d'oeuvre généralement sous-payée.Nous publions ci-dessous un éditorial du bimensuel trotskyste américain The Spark consacré à ce sujet, à la veille des manifestations du 10 avril.

"La réforme de l'immigration": c'est avec ce slogan que les Républicains les plus à droite de la Chambre des représentants ont réussi à faire voter un projet de loi qui transformerait en criminels les immigrants clandestins ainsi que tous ceux qui leur viendraient en aide, y compris des membres de leur propre famille.

Il s'agissait purement et simplement d'une tentative de la droite la plus réactionnaire de détourner du patronat la colère des travailleurs américains alors que le patronat leur rend la vie de plus en plus difficile.

Il est également révoltant de voir les hypocrites jouer sur l'espoir des immigrés d'être "régularisés" pour faire adopter un autre projet de loi qui n'aide vraiment que les patrons.

C'est ainsi que le sénateur Edward Kennedy, un Démocrate libéral, et le sénateur John McCain, un Républicain conservateur, ont présenté un projet de loi donnant une sorte de statut semi-légal aux immigrants, encadré par toutes sortes de limites et d'exigences. En réalité cela autoriserait les patrons à embaucher les immigrants sans pour autant donner un véritable statut aux immigrants qu'ils emploieraient.

Comme si cela était encore trop bon, la commission juridique du Sénat a rédigé "un compromis" entre cette proposition et celle qu'avait adoptée la Chambre des représentants, aggravant encore les conditions exigées des immigrants. Deux jours plus tard le président du Sénat, un Républicain, présenta un "compromis du compromis" aggravant encore les choses. Ce dernier compromis a paraît-il le soutien de 70membres du Sénat sur 100. Mais il est bloqué sous prétexte que les Républicains les plus à droite et quelques Démocrates refusent de le laisser passer. On parle donc maintenant d'un troisième "compromis" lorsque le Congrès sera à nouveau en session.

Aucun de ces projets de loi ne donne un statut légal aux immigrants qui ont vécu et travaillé ici depuis des années.

Mais sans une véritable régularisation, un travailleur immigré qui essaye de se défendre contre des salaires trop bas ou de mauvaises conditions de travail risque l'expulsion du pays. Une loi qui ne "régularise" la situation d'une personne que si celle-ci a un emploi donne au patron une arme puissante contre elle.

Lorsqu'une partie de la classe ouvrière est obligée de travailler pour des salaires plus bas et de plus mauvaises conditions de travail parce qu'elle n'a pas de statut "légal", c'est toute la classe ouvrière qui est plus vulnérable.

La raison pour laquelle la Chambre de commerce des États-Unis, la plus grande organisation patronale, soutient ce genre de demi-régularisation, c'est que celle-ci est pourvoyeuse de main-d'oeuvre obligée de travailler pour des salaires plus bas. C'est bien pour cela que, jusqu'à présent, la Chambre de commerce a été jusqu'à soutenir et à encourager les manifestations récentes des immigrants tout comme l'ont fait les chaînes de radio et de télévision en langue espagnole qui sont possédées par les principaux médias américains.

En stigmatisant l'attaque ouverte de la Chambre des représentants, une partie des politiciens espèrent obtenir le soutien des immigrants pour le projet de loi du Sénat qui constitue une attaque moins évidente.

En fait, le patronat tente d'utiliser la colère des immigrants pour faire passer au Congrès un projet de loi qui constituerait une attaque contre les immigrants eux-mêmes.

Aucun des projets de loi présentés devant le Congrès ne répond aux besoins des travailleurs, qu'ils soient immigrés ou américains. La seule réponse est de se battre pour obtenir tous les droits légaux pour tous les travailleurs. Quand tous les travailleurs ont les mêmes droits, chacun peut combattre le véritable ennemi, les patrons qui baissent les salaires et aggravent les conditions de travail.

Les immigrants qui ont submergé les rues de certaines des plus grandes villes du pays pour protester contre leur statut de clandestins pourraient obliger les patrons à reculer -mais pas en soutenant l'un quelconque de ces projets de loi présentés au Congrès.

La Chambre de commerce n'est pas l'amie des travailleurs immigrés. Pas plus que les politiciens qui jouent sur les sentiments anti-immigrés ne sont les amis des travailleurs américains.

Les patrons et leurs politiciens sont les seuls "étrangers" dans ce pays, les seuls qu'il faudrait jeter dehors.

Les travailleurs sont forts lorsqu'ils se fient les uns aux autres, à tous les travailleurs, aussi bien américains qu'immigrés.

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