Chômage : Une conseillère de l'ANPE dénonce les mensonges officiels12/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1967.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chômage : Une conseillère de l'ANPE dénonce les mensonges officiels

Une conseillère à l'ANPE, Fabienne Brutus, vient de publier un ouvrage Chômage, des secrets bien gardés qui met à mal les chiffres gouvernementaux concernant les chômeurs. Elle dénonce, avec colère, non seulement les multiples trucages pour masquer la réalité du chômage, mais aussi les mille et une méthodes qu'utilise l'ANPE pour décourager les chômeurs, pour les changer sans cesse de catégorie, et même souvent pour les radier.

Après avoir détaillé minutieusement les huit catégories de chômeurs catalogués par l'ANPE, elle souligne que seule la première catégorie, "les personnes sans emploi, immédiatement disponibles, cherchant un CDI à plein temps", est comptabilisée dans les chiffres officiels. Toutes les autres catégories de demandeurs d'emploi, même s'ils sont inscrits à l'ANPE, ne comptent jamais dans les chiffres donnés régulièrement par le gouvernement et repris sans aucune critique, ni même prudence, par la presse.

Et ces demandeurs d'emplois se comptent par centaines de milliers. Par exemple, les personnes cherchant un CDI à temps partiel, les intérimaires, même s'ils cherchent un contrat "classique", tous les titulaires d'un contrat aidé même si ce contrat se termine dans quelques jours, les stagiaires, les personnes en formation, les saisonniers, toutes ces catégories et bien d'autres sont systématiquement et volontairement exclues des chiffres officiels.

"Quel taux de chômage en réalité?", se demande la conseillère de l'ANPE. "Il tourne officiellement autour de 10%, fluctue légèrement selon les mois. Ce qui permet de communiquer dans la joie quand on tombe sous ce seuil psychologique des 10%. Or toutes catégories confondues, en septembre 2005, 4127 953 chômeurs étaient inscrits à l'ANPE, soit 15% de la population active."

Mais Fabienne Brutus ne s'arrête pas aux seuls chiffres de l'ANPE car, "en marge de toutes les catégories précitées, se baladent les personnes au chômage qui ne sont pas inscrites du tout. Le découragement s'installe et joue son rôle. Beaucoup de chômeurs abandonnent un pointage qui ne leur apporte rien, si ce n'est des tracasseries et désagréments administratifs".

Les jeunes qui n'ont pas encore travaillé suffisamment longtemps pour ouvrir des droits au chômage, les malades, considérés comme indisponibles, échappent aux chiffres officiels, qui sont ainsi systématiquement sous-évalués. Sans compter évidemment les érémistes, rarement inscrits, puisqu'ils n'y sont pas obligés.

En additionnant les érémistes non inscrits, les oubliés de toutes sortes et les 4 millions chômeurs "officiels", Fabienne Brutus arrive à un total, sans doute bien plus près de la réalité que les totaux de toutes les officines gouvernementales réunies, de 5 millions de personnes en France qui n'ont pas d'emploi et qui en cherchent. Soit 19% de la population active!

Mais la truanderie ne s'arrête pas aux statistiques. Ce qui est révoltant, c'est l'utilisation des techniques de "nettoyage" des chômeurs, des changements de catégorie imposés, des différents moyens visant à culpabiliser et à décourager les demandeurs d'emploi. Et ce n'est pas seulement l'attitude de certains directeurs d'agence qui est en cause, mais surtout les consignes de la direction centrale de l'agence et, au-delà, celles des ministres de tutelle. "Vous me mettrez toutes les femmes de ménage en catégorie 3: on sait bien qu'on ne peut occuper ce type de poste à temps plein." Ce genre de consigne, toujours orale, en dit long et sur les statistiques et sur la direction de l'ANPE.

Le rôle de l'ANPE en tant qu'agence pour l'emploi est désormais dérisoire, car beaucoup d'emplois proposés par les patrons sont bidons, mensongers, ou inacceptables. Contrats de deux jours, essais non rémunérés, offres pour 8 heures de travail payées en chèque emploi- service, offres de VRP et autres emplois rémunérés seulement au pourcentage, on comprend que la pléthore d'offres d'emploi ne correspond à pas grand-chose. "D'après la direction de l'ANPE, les conseillers collectent plus de 3 millions d'offres d'emplois par an, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Ce chiffre est à rapprocher du nombre de créations d'emplois: moins de 30000 en 2005. Même un oeil peu averti constate un léger décalage: il y a cent fois plus d'offres enfantées par l'ANPE que d'emplois créés."

Car l'évidence que l'ANPE voudrait garder secrète, c'est que les patrons et elle n'ont quasiment aucun vrai emploi à proposer aux chômeurs.

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