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Algérie : Une amitié française très intéressée
Le ministre français des Affaires étrangères, Douste-Blazy, est rentré d'Algérie sans avoir pu signer le "traité d'amitié" qui, paraît-il, motivait sa visite. Ce traité, dont Chirac lui-même souhaite la signature depuis plusieurs années, vise à faire pièce à la poussée diplomatique des États-Unis en direction des pays d'Afrique du Nord en général et de l'Algérie en particulier.
Par cette visite et ce traité, l'impérialisme français essaye de préserver son ex-chasse gardée. Aussi l'amitié qu'il propose à l'Algérie a-t-elle une forte odeur de pétrole, de gaz et de travaux publics.
Les gisements pétrolifères et gaziers de l'Algérie ont été longtemps exploités exclusivement par la société nationale algérienne, la Sonatrach. Mais de nouvelles zones sont maintenant concédées à des compagnies pétrolières privées (Total, BP, Agip) et la compagnie américaine Anardako est même devenue le deuxième raffineur algérien (550000 barils par jour, contre 1200000 pour la Sonatrach). Par ailleurs, la Sonatrach a monté des sociétés communes avec des firmes occidentales, ce qui constitue une privatisation rampante. Dans le secteur de l'énergie, "l'amitié" occidentale se borne à faire sortir le pétrole et le gaz du pays.
La production de pétrole et de gaz représente, au cours actuel, 20% du produit intérieur brut de l'Algérie. Mais elle constitue 95% de ses rentrées de devises étrangères. Or les devises étrangères (dollar et euro) sont le seul moyen pour l'Algérie d'accéder au marché mondial et d'acheter les produits manufacturés ou les aliments qu'elle ne produit pas elle-même. Par exemple, l'an passé l'Algérie a importé pour huit milliards d'euros de produits finis français (les produits de l'industrie automobile venant en tête) et ses exportations vers la France ont atteint sept milliards d'euros, presque exclusivement des hydrocarbures.
L'État algérien voudrait attirer d'autres investisseurs que les pétroliers pour que l'économie du pays ne soit pas entièrement soumise aux aléas du cours du pétrole. Pour cela, il entend vendre des entreprises nationalisées à des investisseurs étrangers. Le premier effet de ces privatisations a été une vague de licenciements de travailleurs des sociétés d'État qui jusque-là bénéficiaient d'un salaire un peu meilleur que la moyenne et d'un emploi qu'ils croyaient garanti. L'ambassade d'Algérie, sur un site destiné à attirer les investisseurs, parle de "250000 travailleurs rendus disponibles", euphémisme qui masque le fait que 250000 familles sont officiellement tombées dans la pauvreté du fait de ces privatisations. Mais les capitalistes occidentaux ne se bousculent pas pour investir directement en Algérie. Par exemple, les investissements directs français ne se montent qu'à 700 millions d'euros. À titre de comparaison, l'Algérie a versé, de 1985 à 2005, 118 milliards de dollars pour le remboursement de sa dette internationale.
La visite de Douste-Blazy précédait, et préparait, celle que fera le Medef au mois de mai prochain. Car il y a quand même de bonnes affaires en perspective, sans risque et sans investissements hasardeux puisqu'il s'agit de marchés d'État. En effet, grâce à l'augmentation des prix du pétrole et du gaz, l'État algérien a décidé un plan quinquénal de relance de 60 milliards de dollars. Les capitalistes, français, européens et américains sont, selon le Figaro du 11 avril, sur les rangs pour construire une mosquée de 40000 places. Une autoroute de 1300 kilomètres traversant le pays d'est en ouest devrait elle aussi être construite, ainsi que des lignes de tramway et de chemin de fer. Il serait même question d'une ligne TGV pour laquelle Alstom est en concurrence avec Siemens. Le plan du gouvernement prévoit aussi des travaux moins spectaculaires et plus directement utiles comme la construction de logements.
Mais les quelques dizaines de milliers d'emplois limités à la durée de tous ces chantiers ne contrebalanceront pas les centaines de milliers que les privatisations ont fait disparaître. L'argent du pétrole, que son cours soit élevé ou pas, ne sert pas à augmenter le niveau de vie de la population. Depuis deux ans que le pétrole augmente, une dégradation de vie des couches populaires s'est fait sentir.
La hausse du prix du pétrole, si elle a permis d'améliorer la situation financière de l'État, ne servira en fin de compte qu'à enrichir certains bourgeois algériens et beaucoup plus les capitalistes occidentaux.