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Vers une alliance Kadima-Travaillistes...pour la même politique
Au terme d'une morne campagne qui s'est déroulée à l'ombre du pré-cadavre de Sharon, c'est le parti Kadima qui l'a emporté aux élections législatives israéliennes. Il obtient 28 sièges à l'Assemblée, moins qu'il n'espérait. Les travaillistes, avec 22 sièges, sont le second parti par ordre d'importance. Quant au Likoud, la formation de droite d'où est issu Kadima, il n'obtient, lui, que 11 sièges. Le scrutin a été par ailleurs marqué par une abstention record puisque 40% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes.
Des pourparlers devraient maintenant s'ouvrir en vue de la constitution d'un nouveau gouvernement d'union nationale entre Kadima et le Parti Travailliste, ce dernier ayant déjà décidé sa participation.
Ces élections avaient été provoquées par le départ des ministres travaillistes du gouvernement Sharon à la fin de l'année 2005. Après avoir remplacé Pérès à la tête du parti, Peretz, l'actuel représentant des travaillistes, avait en effet rompu l'alliance avec le Likoud qui était toujours le parti de Sharon. Ce dernier choisissait alors de créer son propre parti, Kadima, avec des transfuges du Likoud et du Parti Travailliste, et d'en appeler aux électeurs... avant de sombrer dans un profond coma.
Durant un temps, très bref il est vrai, Peretz a pu faire illusion. Cet ancien fondateur de l'organisation pacifiste La Paix maintenant, cet ex-dirigeant du syndicat Histadrout n'allait-il pas apporter un souffle nouveau, plus social, et avoir le souci d'une paix juste avec les Palestiniens? Ceux qui attendaient de sa part un changement réel dans les propositions que pouvait faire le Parti Travailliste durent rapidement déchanter. Peretz ne proposa pas une autre politique que celle auparavant menée par Pérès ou Barak; que ce soit dans les relations avec les Palestiniens ou dans la mise en oeuvre de propositions favorables aux plus démunis.
Vis-à-vis des Palestiniens, une même politique est proposée. La majorité des membres du nouveau Parlement israélien s'en tiendront à une opinion fondée sur un mensonge: il n'y a pas de partenaire pour la paix, personne avec qui discuter. Cette contre-vérité avait pour la première fois été formulée par le travailliste Barak et reprise depuis par tous les gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche. Sharon avait construit sur ce pseudo-constat toute sa politique unilatéraliste qui a conduit au retrait de Gaza sans aucune discussion préalable avec les Palestiniens. Olmert, l'actuel dirigeant de Kadima, poursuit dans cette voie et prévoit d'ores et déjà quelques repositionnements de colonies juives en Cisjordanie ainsi que le maintien d'importants blocs de colonies, toujours sans demander le moindre avis aux Palestiniens. Dans de telles conditions, il ne pourra y avoir d'accord ni donc de paix.
La position du travailliste Peretz est en fait identique, seulement plus hypocrite. Il serait d'accord pour discuter avec des représentants palestiniens mais pas ceux du Hamas, et à condition que ceux-ci acceptent en préalable les propositions israéliennes, faute de quoi Peretz envisagerait d'imposer lui aussi une politique unilatéraliste. Et comme les travaillistes ont l'intention d'intégrer à Israël les mêmes blocs de colonies que Kadima, comme ils ne critiquent absolument pas la construction du Mur, leurs positions rejoignent celles de Kadima.
Dans un éditorial paru dans le quotidien Haaretz du 26 mars, un journaliste lucide écrivait: "Plus personne ne parle de paix avec eux (les Palestiniens). Transfert ou Mur,"désengagement" ou "repli sur soi", l'essentiel est qu'ils disparaissent de notre vue. La seule pièce qui se joue en ville -l'accord unilatéral- ne prend pas seulement sa source dans le mensonge qu'il n'y a pas de partenaire, elle n'est pas seulement basée, par un sentiment de supériorité, sur nos seules et exclusives nécessités, mais elle imprime un comportement dangereux consistant à ignorer totalement l'existence de l'autre peuple." Et le journaliste concluait qu'il s'agit là "d'un arrangement raciste".
Quant à la politique prétendument sociale de Peretz, la droite pourrait très bien s'en satisfaire dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale. Certes, et contrairement à Olmert, Peretz s'est posé durant la campagne électorale en défenseur des plus démunis, il a dit vouloir réduire la pauvreté grandissante qui touche de plus en plus d'Israéliens, en se gardant toutefois de dire comment. Il a même posé de telles limites à sa future action gouvernementale dans ce domaine que les résultats seront obligatoirement inexistants. Car enfin, expliquer comme a fait Peretz que le changement devra être mis en oeuvre dans le cadre budgétaire existant et non en augmentant les dépenses de l'État, est une façon de dire par avance qu'aucun moyen ne sera dégagé pour lutter contre la pauvreté ne serait-ce qu'en redonnant aux budgets sociaux, fortement diminués ces dernières années, les montants qu'ils avaient précédemment.
Sur tous les plans, la prétendue gauche travailliste ne s'est donc guère distinguée de Kadima, d'où une certaine logique à ce que ces deux partis gouvernent maintenant ensemble. Ainsi la boucle est maintenant bouclée. Après s'être un temps séparé de la droite, le temps d'une campagne électorale, les travaillistes reviennent au bercail, mettre en oeuvre une politique qui fut en fait toujours la leur et qui, à l'égal de celle de la droite israélienne, a toujours été une politique de force à l'égard des Palestiniens.