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Dans le monde
Etats-Unis : Attaquer les immigrés pour diviser les travailleurs
De très importantes manifestations ont eu lieu dans une dizaine de villes américaines contre un projet de loi qui s'attaque violemment aux immigrés et transformerait les immigrés clandestins en criminels.
Ce projet est combattu depuis des semaines par les organisations de défense des droits des immigrés, par les Églises et par les médias hispaniques, auxquels les syndicats ont finalement apporté leur soutien. La plus importante de ces manifestations a réuni, samedi 25 mars, à Los Angeles, 500000 personnes, essentiellement d'origine hispanique. C'est le quart de la communauté hispanique de la ville qui est ainsi descendue dans la rue. Les jours suivants, des milliers d'étudiants ont continué à manifester en Californie, au Texas et dans d'autres États.
Le projet de loi en question, adopté par la Chambre des représentants en décembre dernier, et sur lequel le Sénat doit se prononcer, fait de l'immigration clandestine un crime fédéral qui interdit à jamais toute régularisation de la situation de l'immigré clandestin. Il prévoit cinq ans de prison pour les personnes qui hébergeraient ou apporteraient leur aide à ces personnes. Il oblige, sous peine de sanction, les employeurs à vérifier que les travailleurs qu'ils embauchent sont bien en règle. Enfin il prévoit la construction de clôtures sur quelque 700 kilomètres de frontière entre les USA et le Mexique.
Évidemment ce texte répond aux voeux de la partie la plus réactionnaire de l'électorat, dont ces "minutemen", milices de civils constituées pour patrouiller le long de la frontière avec le Mexique sous prétexte que la police manquerait d'efficacité. C'est l'occasion pour la droite la plus réactionnaire de tenter de faire oublier le bilan désastreux du gouvernement pour les classes populaires en matière d'emplois et de services publics, en se montrant intraitable vis-à-vis des immigrés, désignés comme les responsables du chômage et du manque de place dans les hôpitaux ou les écoles.
Non seulement ce projet de loi a soulevé l'indignation des hispaniques et d'autres minorités immigrées, mais il se trouve que les 11 millions de travailleurs sans papiers et mal payés sont nécessaires au patronat américain. Près du tiers des travailleurs du bâtiment sont par exemple sans papiers!
Du coup, le Parti Républicain lui-même est divisé. Une partie des Républicains, alliés aux Démocrates, proposent ce qu'ils appellent "une réforme plus modérée" de la loi sur l'immigration. Celle-ci autoriserait une partie des travailleurs clandestins actuels à rester dans le pays pendant trois à six ans, à condition de ne pas perdre leur emploi, de payer une amende et des arriérés d'impôts. Elle admettrait aussi à l'avenir un certain nombre de travailleurs dits "invités". Mais les tenants de ce projet se font fort eux aussi de restreindre les possibilités d'immigration, de multiplier les contrôles à la frontière en doublant le nombre de patrouilles, de sanctionner durement les immigrés "non invités". Bush, qui soutient ce type de projet, ne s'est pas fait faute de rappeler qu'il avait déjà augmenté de 66% le budget de la sécurité aux frontières et qu'il avait refoulé aux frontières six millions d'immigrants clandestins.
Le Sénat va être saisi dans les jours à venir de ces différents projets de loi qui vont donner lieu à des assauts de démagogie raciste et xénophobe. Un certain nombre d'organisations syndicales et d'Églises qui ont soutenu les manifestations de ces dernières semaines se disent déjà favorables aux projets prévoyant un volant de "travailleurs invités" et sont sans doute prêtes à accepter ce qu'elles considèrent comme un moindre mal. Mais il est évident que la prétendue réforme qui sortira du Congrès constituera une nouvelle attaque contre les travailleurs immigrés, et au-delà contre l'ensemble de la classe ouvrière américaine, à moins que la mobilisation se renforce encore et s'élargisse à l'ensemble du monde du travail. Alors que les différents politiciens cherchent à dresser les travailleurs les uns contre les autres, l'intérêt commun de ceux-ci est de faire bloc contre ces attaques incessantes venues du gouvernement et du patronat.