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Espagne : L'ETA annonce un "cessez-le-feu permanent"
Mercredi 22 mars, dans une vidéo diffusée par les grandes chaînes de télévision espagnoles, trois militants basques d'ETA, coiffés du béret et encagoulés ont annoncé "un cessez-le-feu permanent" et la volonté de lancer "un processus démocratique" visant à dépasser "un conflit vieux de plusieurs années". L'ETA se dit prêt à discuter "pour édifier un nouveau cadre au sein duquel soient reconnus les droits qui reviennent au peuple basque".
Ce communiqué a été accueilli avec satisfaction par la population, tant basque qu'espagnole. Une satisfaction mêlée de doute car ce n'est pas la première fois que l'ETA annonce l'arrêt des attentats. La dernière trêve, en 1998, avait duré quatorze mois et avait été suivie de dizaines d'assassinats.
Aujourd'hui, c'est peut-être une solution politique du problème du terrorisme basque qui se profile.
Dès son arrivée au pouvoir, en mars 2004, le chef du gouvernement socialiste Zapatero s'est prononcé pour une négociation avec les nationalistes basques. Depuis plusieurs mois, circulent des rumeurs faisant état de contacts entre représentants du gouvernement socialiste et des représentants de "nationalistes basques radicaux". La presse a confirmé que ces contacts ont bien eu lieu à Oslo et à Genève, et le terrain semble avoir été préparé pour que s'engage une négociation.
C'est un changement d'attitude incontestable de la part des dirigeants espagnols. Sous les gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé depuis la mort de Franco, ils ont toujours visé à l'éradication de l'ETA. Le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez a même organisé au début des années 1980 les "Groupes antiterroristes de libération" (GAL), formés de policiers qui éliminèrent physiquement, en Espagne et en France, des dizaines de militants de l'ETA, sans parvenir ni à faire disparaître cette organisation, ni à réduire, bien au contraire, les sympathies dont elle jouissait dans une partie de la population basque.
Pour comprendre ces sympathies, il ne faut pas oublier la répression de tout ce qui était basque pendant la dictature franquiste, comme les innombrables violences policières commises au Pays basque après la mort du dictateur, et qui ne touchaient pas que des terroristes.
Les discussions en cours entre le gouvernement Zapatero et l'ETA ont apparemment abouti à une "feuille de route" envisageant des accords entre l'ETA, le gouvernement et les autres partis nationalistes basques, qui s'inspirerait de ce qui s'est passé en Irlande avec l'IRA.
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et l'assassinat d'un jeune conseiller municipal du Parti Populaire dans un village du Pays basque, les manifestations de rejet de la politique de l'ETA se sont multipliées dans toute l'Espagne, y compris au Pays basque, où une bonne partie de la population condamne à juste titre ses méthodes de terrorisme aveugle.
Mais les dernières élections d'avril 2005 au Pays basque ont montré que les "nationalistes radicaux" gardent cependant une forte influence. Le parti nationaliste Batasuna, lié à l'ETA, est interdit. Mais le Parti Communiste des Terres Basques, qui reprenait le programme de Batasuna et invitait les dirigeants du parti "illégalisé" à parler à ses tribunes, a obtenu 12,5% des voix et neuf députés. Au Pays basque, des milliers de jeunes sont liés au radicalisme nationaliste qui a une longue histoire et, chaque fois que la police a affaibli l'ETA par des arrestations, ce sont des jeunes, souvent de milieux modestes, et ayant fait leurs armes dans les manifestations de rue, qui ont été le vivier lui permettant de se renouveler.
Quoi qu'il en soit, si négociations il y a, elles s'annoncent longues et occuperont sans doute le devant de l'actualité encore pendant des mois. Même s'il veut vraiment arriver à un accord avec l'ETA, le gouvernement Zapatero devra compter avec les réactions d'un appareil d'État qui a lui aussi compté nombre de morts, y compris dans ses sommets, au cours de cette lutte.
La fin des attentats, le retour à la liberté des centaines de prisonniers basques seraient cependant une bonne chose. Car ils lèveraient dans une certaine mesure l'hypothèque d'un nationalisme qui n'est radical que dans ses méthodes, y compris le recours au terrorisme armé, mais qui ne propose aux couches populaires aucun réel objectif de lutte pour leurs propres intérêts. Et celui-ci est non seulement une impasse, mais un facteur de division de la classe ouvrière.
Les travailleurs de toutes les régions d'Espagne ont les mêmes intérêts. Et ce n'est que leur lutte commune qui pourra s'opposer avec des chances de succès à l'offensive menée contre eux par le patronat, basque comme espagnol, et le gouvernement, central ou régional. Et il n'y a qu'elle aussi qui pourra jeter les fondements d'une société reconnaissant le droit de tous les peuples à l'autodétermination.