CPE-CNE : Les lois aussi sont précaires30/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1965.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

CPE-CNE : Les lois aussi sont précaires

Venant à la rescousse de Villepin, Le Pen et de Villiers se sont faits les défenseurs du CPE, s'en prenant notamment aux actions de blocage des facultés. "Quoi qu'en pensent les étudiants, le CPE est une loi votée par le Parlement, qui doit donc être respectée (...), la loi c'est la loi", a déclaré Le Pen le 18 mars. Quelques jours plus tard, le 24 mars, Chirac a répété le même argument, tout en se ménageant une porte de sortie: "Quand une loi a été votée, elle doit être appliquée, ce qui n'empêche pas le gouvernement d'en discuter les modalités".

Chirac et ses soutiens d'extrême droite s'appuient sur le vote des lois seulement quand cela les arrange. Ils se gardent par exemple de rappeler que le contrat nouvelles embauches, le CNE, prédécesseur immédiat du CPE, a été institué par une ordonnance du 2 août 2005, en pleine période de vacances. Il avait suffi pour cela des signatures de Chirac et de quatre ministres (Villepin, Borloo, Larcher et Baroin pour l'Outre-mer), sans vote du Parlement. Or, ce CNE constituait un premier ballon d'essai pour instituer encore davantage de précarité et permettre à des patrons de licencier -droit qu'ils ont déjà- sans même avoir à fournir de motif. L'auteur du CNE et du CPE serait d'ailleurs, selon le quotidien Libération, le même haut-fonctionnaire, un certain Louis-Charles Viossat, directeur adjoint du cabinet de Villepin. Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, a d'ailleurs annoncé à demi-mots une remise en cause plus générale des quelques droits arrachés au fil du temps par les travailleurs, ce qu'il a appelé "un débat plus général sur le contrat de travail" dans le but "d'harmoniser" les divers contrats existants.

Le CPE, quant à lui, a été introduit par le gouvernement dans un projet de loi prétendument pour "l'égalité des chances", qui contient en réalité d'autres attaques, comme l'abaissement de l'âge minimum de l'apprentissage à 14 ans ainsi que de nouvelles subventions au patronat. Tout était prévu pour que ces mesures passent normalement, du point de vue du gouvernement. Seulement, entre l'annonce du CPE par Villepin le 16 janvier dernier et l'adoption de cette mesure le 10 février par l'Assemblée, il y eut la manifestation appelée par les syndicats d'étudiants et de salariés le 7 février. Puis, le calcul du gouvernement, qui escomptait que les vacances universitaires allait lui redonner l'initiative, a été déjoué. Et le 9 mars, lors de l'adoption définitive du CPE par le Parlement, Villepin eut beau annoncer que le CPE serait appliqué "dans les prochaines semaines", le mouvement s'est poursuivi de plus belle.

Malgré cette mobilisation, Villepin, Chirac et leurs soutiens voudraient encore ramener l'affaire à un "débat", visant de toute façon à l'application de la loi déjà votée, qui pourrait se dérouler dans l'hémicycle de l'Assemblée ou dans une négociation entre les syndicats et le gouvernement, terrain où nos gouvernants se sentent plus à l'aise que face à la mobilisation de la rue. Entre les lois votées au Parlement, le recours à des ordonnances ou à d'autres textes réglementaires, la signature d'accords pour diminuer l'indemnisation des chômeurs, le gouvernement n'a pas manqué de procédés pour porter des mauvais coups aux salariés présents et futurs.

Eh bien, gageons qu'il saura aussi trouver les ficelles pour annuler les mesures qu'il a prises si, comme on peut l'espérer, le rapport de forces le lui impose.

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