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Leur société
Congrès du PCF : En attendant que le PS se décide
Le PCF a réuni son trente-troisième congrès du jeudi23 au dimanche26 mars et, au cours d'une discussion animée, les délégués ont pu critiquer ou approuver tel ou tel aspect de la politique du parti. Mais le débat a aussi porté sur la tactique du PCF en vue de l'élection présidentielle, suivie par les élections législatives, dans un an.
Marie-George Buffet, réélue secrétaire nationale, résume cette tactique par le slogan: "Battre la droite, réussir à gauche". Bien que l'on ait déjà souvent entendu cela, il ne faudrait pas que ce soit une simple répétition du passé, a-t-elle déclaré, car "dans les trente dernières années, trois fois la gauche a été portée au pouvoir, trois fois elle a renoncé à changer vraiment la société et trois fois elle a déçu. Et d'alternance en alternance, le niveau des droits a baissé, le libéralisme a progressé."
Recommencer ce qui a échoué?
Alors, comment "ne pas recommencer ce qui a échoué"? Dans son discours de clôture du congrès, Marie-George Buffet s'adresse "aux forces sociales et politiques; aux militantes et militants syndicalistes, associatifs, altermondialistes, politiques acteurs des collectifs du 29 mai; aux femmes et aux hommes de gauche qui veulent contribuer à ouvrir une véritable alternative antilibérale à gauche" pour qu'ils se retrouvent le 29mai, date anniversaire, pour discuter d'un programme et d'un candidat communs. Le PCF propose également que le ou la candidate commune vienne de ses rangs.
Formellement, cette proposition vaut essentiellement pour la LCR, la seule force organisée qui ait participé aux comités du non aux côtés du PCF. Mais elle cherche aussi à donner une réponse aux nombreux militants et électeurs communistes qui, l'expérience aidant, craignent de devoir passer une fois de plus sous les fourches caudines du Parti Socialiste. Pour les convaincre, Marie-George Buffet ne lésine pas sur les mots: "Pour se déployer, cette dynamique tient au peuple! Elle tient à celles et à ceux qui refusent les cadres préétablis par les rapports de force issus du passé." "Tous ceux et celles qui ont été des artisans du 29mai, individus et organisations, perçoivent que nous avons devant nous une chance historique de bouleverser la donne et de proposer une véritable issue à notre peuple", a déclaré la secrétaire du PCF.
Mais bien que citant abondamment les luttes sociales et les "avancées" qu'elles permettent d'obtenir, il est évident que le PCF est d'abord préoccupé par les prochaines élections de 2007, dans la perspective de la victoire d'un candidat de gauche à l'élection présidentielle, suivie d'une éventuelle participation ministérielle et d'une victoire de la gauche aux législatives, puis, qui sait, aux municipales de 2008. Cela veut dire, de toute façon et quelles que soient les critiques faites aujourd'hui sur la gestion passée des gouvernements socialistes, le ralliement au candidat du PS au deuxième tour, à condition qu'il y soit présent. Marie-George Buffet, comme tous les responsables communistes avant elle, appelle cela "battre la droite". Pour sa direction, c'est la seule politique possible puisqu'elle ne connaît, et depuis longtemps, que la logique électorale. Il ne lui reste donc qu'à essayer de choisir selon quelles modalités elle offrira ses voix et surtout sa caution politique au PS, et comment elle pourra l'expliquer aux militants de son parti.
Le PCF toujours dépendant du PS
Tout cela dépend moins du PCF et de ses militants que du choix du candidat socialiste à la présidentielle. Or celui-là n'est pas encore désigné, son créneau politique n'est pas encore choisi. Pire, même, du point de vue du PCF, aucun prétendant à la candidature socialiste ne tient pour l'instant à s'afficher avec lui, ni même à s'adresser particulièrement au PCF et à ses militants. Il n'y a donc rien à négocier puisqu'il n'y a personne avec qui négocier. La seule proposition faite aux autres partis de gauche par Hollande, le premier secrétaire du PS, a même été de rallier le candidat socialiste dès le premier tour à la présidentielle; moyennant quoi il leur laisserait (mais avec quelles garanties?) suffisamment de circonscriptions législatives pour constituer un groupe à l'Assemblée nationale. Une proposition inacceptable, aujourd'hui, pour le PCF.
Alors, pour l'instant, Marie-George Buffet parle de la possibilité d'une "union populaire" d'où sortirait "une majorité politique antilibérale", calquée sur la majorité de "non" au référendum du 29 mai dernier. C'est oublier que dans ces "non" il y avait aussi des "non" de droite et d'extrême droite. C'est oublier aussi qu'il n'y a pratiquement aucune chance pour que les ex-ténors socialistes du "non de gauche" socialistes s'effacent devant la candidature de Marie-George Buffet. C'est oublier enfin, ou faire semblant d'oublier, que le PS finira par choisir son candidat et se rangera derrière lui. Le candidat socialiste aura alors la quasi-certitude d'arriver devant l'hypothétique candidat "antilibéral" au premier tour de la présidentielle, qui ne pourra donc que se désister pour lui... si toutefois il en a l'occasion.
Tout cela fait que la perspective tracée par Marie-George Buffet reste en fait la répétition du passé. Malgré ses discours actuels sur la "gauche antilibérale", le PCF dit déjà qu'il faudra s'effacer devant la "gauche qui peut battre la droite", c'est-à-dire le Parti Socialiste. Tout en disant que cette politique a échoué, la direction du PCF s'apprête une fois de plus à soutenir un candidat, puis éventuellement un gouvernement, socialiste. C'est une politique suivie avec constance depuis des dizaines d'années, qui a peut-être conduit une poignée de dirigeants vers les ministères. Mais elle a aussi permis aux gouvernements successifs, de gauche comme de droite, d'imposer de nombreux reculs à la classe ouvrière en même temps qu'elle menait des dizaines de milliers de militants ouvriers communistes à la démoralisation.
Marie-George Buffet, dans son discours de clôture, parlait d'une politique qui pourrait "changer enfin et vraiment la vie", reprenant ainsi le mot d'ordre de Mitterrand de 1981, mais en disant que cette fois-ci ce serait pour de vrai. Mais pour cela il faudrait changer "enfin et vraiment" de politique.