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Milosevic : Du nationalisme serbe à l'éclatement de la Yougoslavie
La mort de l'ex-dirigeant serbe Slobodan Milosevic, le samedi 11mars, dans sa cellule de la prison internationale de Scheveningen, à La Haye, a déclenché, en plus de la polémique sur les circonstances de sa mort, des réactions affligées de représentants du tribunal pénal international, le TPI. Carla del Ponte, la procureure de ce tribunal, a déploré que "ce décès prive les victimes de la justice dont elles ont tant besoin". Mais ce procès qui prend ainsi fin n'aurait de toute façon en aucun cas fait triompher la justice, comme le prétendaient hypocritement les dirigeants impérialistes.
Milosevic comparaissait depuis le 12février 2002 devant ce TPI, créé en 1993 par le Conseil de sécurité de l'ONU pour juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie, pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Il fut certes un des premiers responsables dans la guerre et son cortège de massacres subis par les peuples de l'ex-Yougoslavie depuis 1989. Cet ancien apparatchik du régime de Tito, qui fit carrière dans la banque, se présenta après la mort de ce dernier, à partir de la fin des années 1980, comme le porte-parole du nationalisme serbe. Il joua sur cette corde nationaliste pour écarter tous ses rivaux et parvint ainsi à asseoir son pouvoir, avec pour conséquence la guerre et les massacres ethniques qui ont ensanglanté toute l'ancienne Yougoslavie.
Il ne fut pas le seul. Ses compères croates ou bosniaques firent de même, pour les mêmes raisons, et portent aussi leur part de responsabilité dans l'éclatement de la Yougoslavie et les horreurs auxquelles il a donné lieu.
Milosevic ne fut cependant pas toujours pour les dirigeants occidentaux l'homme à abattre. Il fut même un dirigeant sur lequel les USA, et d'autres pays impérialistes, comptaient pour maintenir l'ordre sur les peuples de cette région, et avec qui ils acceptèrent de conclure des accords. À Dayton encore, lors de la signature des accords de paix sur la Bosnie en 1995, il était considéré par Chirac, entre autres, comme un interlocuteur respectable et valable. Puis il tomba en disgrâce, non pas pour les crimes qu'il avait commis mais parce qu'il n'obéissait pas entièrement aux grandes puissances impérialistes.
Ces grandes puissances, dont les représentants réclamèrent par la suite à grands cris son jugement, portent une responsabilité majeure dans le drame vécu par les peuples des Balkans durant près de dix ans. Les USA, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont trempé dans l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et sa transformation en un terrain d'affrontements entre bandes armées rivales.
À la mort de Tito en 1980, les luttes pour le pouvoir sapèrent en effet petit à petit le pouvoir central, chaque dirigeant candidat à sa succession tentant de se forger un "fief" en s'appuyant sur les tendances les plus nationalistes et les plus réactionnaires. Cette décomposition du pouvoir allait aboutir au morcellement de la Yougoslavie. Les pays impérialistes n'en furent pas de passifs spectateurs car ils voyaient dans cette décomposition la possibilité de se forger de nouveau leurs propres zones d'influence, comme cela avait été le cas bien avant 1914 dans cette région. Ainsi, l'Allemagne soutint dès le début le séparatisme des dirigeants de la Slovénie et de la Croatie. La France, elle, soutint son alliée "traditionnelle", la Serbie.
Non seulement, les pays impérialistes laissèrent se commettre les massacres, mais ils en organisèrent eux-mêmes: raids aériens, bombardements dirigés contre les populations civiles, destructions économiques systématiques menées sous couvert de l'intervention de l'OTAN, en Serbie et au Kosovo en 1999 par exemple.
Milosevic est mort avant d'avoir été condamné par le tribunal de La Haye. Mais de toute façon, justice n'aurait pas été rendue puisque les puissances impérialistes, qui se sont appuyées sur ce genre de criminels, en Serbie comme en Croatie ou en Bosnie, pour dresser les peuples les uns contre les autres, n'étaient pas au banc des accusés.