Maisons de retraites : Catastrophe annoncée15/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1963.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Maisons de retraites : Catastrophe annoncée

Il y a aujourd'hui 1,1million de personnes de plus de 85ans dans le pays. Il y en aura 460000 de plus dans cinq ans et 800000 de plus dans dix ans. Or il n'y a que 660000 places dans les institutions pour personnes âgées, réparties entre 6240maisons de retraites, 3120foyers logements et 1040unités de soins de longue durée.

Naturellement toutes les personnes âgées ne sont pas dépendantes, mais il manquera quand même rapidement des dizaines de milliers de places dans les maisons de retraite. Alors qu'il est déjà très difficile aujourd'hui de trouver une place décente pour les vieux travailleurs et qu'il est prévisible que leur nombre augmente, l'État ne prévoit rien d'autre que de se débarrasser du problème. Depuis 1997, les frais de fonctionnement des maisons de retraite sont assumés par la Sécurité sociale pour les soins, par les départements pour ce qui concerne la dépendance et par les familles pour l'hébergement. Les Conseils généraux participent parfois à ce dernier poste. Pas l'État.

De plus la politique de restriction des coûts à l'hôpital public fait que les vieillards n'y sont acceptés que lorsqu'ils sont "malades", c'est-à-dire en fait "soignables". Sinon, bien souvent, ils sont renvoyés chez eux même s'ils sont incapables de vivre seuls.

Faute de construire des maisons de retraite, l'État affirme prendre des mesures pour aider à leur construction et à leur financement: passage de la TVA de 19,6 à 5,5% pour les travaux de rénovation; exonération de la taxe foncière pour 25ans; possibilité de toucher l'APL (aide au logement versée par la CAF) pour les résidents; et surtout des mesures fiscales et financières qui dégrèvent de nombreux impôts les capitaux placés dans les institutions privées hébergeant des personnes âgées.

À tel point que, alors que les ministres font des discours sur le déficit probable et croissant des caisses de retraite et sur la difficulté de subvenir aux besoins des personnes âgées, l'investissement dans les cliniques privées est devenu extrêmement rentable. Le cours de l'action de Medidep, premier groupe privé du secteur avec plus de 10000 lits, est passé de 3,50euros en 1998 à 30euros aujourd'hui.

Le secteur privé à but lucratif, objet de tous les soins du gouvernement et véritable pompe à finances, ne représente pourtant que 7% des places. Ce sont les plus chères, bien entendu. Le fait d'être placé dans une institution privée ne garantit absolument pas que le résident va bénéficier des soins et de l'entourage nécessaires. Les bénéfices de ces maisons de retraite privées se font, comme partout ailleurs, en faisant des économies de personnel, et il n'est pas rare que les familles fassent elles-mêmes la toilette lors des visites... On se demande comment font ceux qui n'ont pas de visites.

Le gouvernement prévoit que demain sera pire qu'aujourd'hui. Par exemple, alors qu'il estime à 8000 le nombre de places nouvelles nécessaires dans les cinq ans qui viennent en Ile-de-France, il n'en prévoit que 761 par an. Les plus chanceux trouveront une place dans une institution municipale, associative ou privée à but non lucratif. Mais, pour le plus grand nombre, il ne restera que le maintien à domicile dans des conditions précaires suivi du transfert en urgence à l'hôpital pour y mourir. Ou bien ce sera le recours à une institution privée si la famille arrive à se cotiser pour compléter une pension de retraite et des aides publiques qui ne suffisent pas à payer les frais de pension.

Et, pour tous, il restera un manque de personnel et de soins criant, celui-là même qui, lors de la canicule de 2003, s'était soldé par 15000 décès.

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