États-Unis : Le droit à l'avortement à nouveau attaqué15/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1963.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : Le droit à l'avortement à nouveau attaqué

Une loi interdisant totalement l'avortement, sauf si la vie de la mère est en danger, vient d'être signée par le gouverneur du Dakota-du-Sud.

Il est peu probable qu'elle entre en vigueur dès juillet comme prévu, puisqu'elle contredit une décision de la Cour suprême qui, en 1973, a légalisé l'avortement sur l'ensemble des États-Unis. Mais au-delà du Dakota-du-Sud, un État rural très conservateur, les adeptes du "laissez-les-vivre" à l'américaine visent l'interdiction de l'avortement dans l'ensemble du pays.

Au nom de la défense des "membres les plus faibles et les plus vulnérables de la société, les foetus", comme l'a déclaré le gouverneur, les obscurantistes de toutes sortes, qui se sentent le vent en poupe, veulent faire de l'Amérique une "nation chrétienne".

Ce n'est pas nouveau. Cela fait des années qu'ils multiplient les harcèlements et les violences: depuis 1993, plus de 4200 agressions contre des cliniques pratiquant des avortements ont fait l'objet d'une déclaration à la police. Huit médecins ou membres du personnel médical ont été assassinés, sans compter toutes les dénonciations, sur des sites internet, des médecins, des soignants et de leurs familles.

Mais les agressions spectaculaires se combinent avec une attaque très légale et, dans les faits, le recours à l'avortement est devenu très difficile dans la plupart des États. En même temps que la loi autorisant l'avortement était votée, en 1973, un amendement proposé par un sénateur démocrate a autorisé les praticiens à faire état d'une clause de conscience pour se soustraire à la loi: tous les hôpitaux catholiques l'ont utilisée; or l'Église contrôle quatre des dix plus grosses chaînes d'hôpitaux et de services de santé. Plus tard, un autre amendement a quasiment supprimé le remboursement des avortements par l'aide médicale: en 1976, dernière année avant l'application de cet amendement, 300000 femmes sans ressources avaient pu être remboursées; dans les deux années qui ont suivi, elles n'étaient plus que 3000 par an.

Par conviction ou par peur, les cliniques et les médecins ont renoncé: en 2000, 87% des comtés n'avaient aucun centre d'IVG. Aujourd'hui, dans tout l'État du Dakota, il n'y en a qu'un, de même que dans le Mississipi: et encore, les médecins qui y opèrent doivent venir d'un autre État.

Cette pression réactionnaire a déjà causé de terribles dégâts: en raison de la difficulté d'accès à l'éducation sexuelle et aux moyens contraceptifs, les États-Unis ont le plus fort taux de grossesses chez les adolescentes, de tous les pays développés. Le retour à la situation antérieure à 1973 signifierait, non une diminution du million d'avortements pratiqués chaque année, mais des risques accrus pour les femmes qui désireraient mettre un terme à une grossesse non désirée. Les hôpitaux verraient de nouveau arriver les femmes victimes d'avortements clandestins: elles étaient à l'époque 350000 par an et 1000 à 5000 d'entre elles perdaient la vie.

Les partisans de la liberté de l'avortement ont raison de se mobiliser contre les fanatiques religieux et pour le droit des femmes.

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