Contre le CPE et la précarité08/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1962.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Contre le CPE et la précarité

Mardi 7 mars, des centaines de milliers de manifestants se sont retrouvés dans les rues du pays derrière des banderoles présentant le CPE comme un contrat "Chômage, Précarité, Exclusion" ou "Exploitation", selon des variantes.

Au même moment, le Premier ministre ignorait superbement les clameurs des manifestants, depuis la tribune de l'Assemblée nationale où il se faisait une nouvelle fois l'avocat de sa mesure miracle, présentée comme le remède tant attendu contre le chômage des jeunes. "Un véritable contrat antiprécarité", a-t-il proclamé devant les députés, qui "donne une expérience", "permet une insertion directe dans l'emploi" et "ouvre droit à une formation". Le CPE aurait donc ces "trois atouts", insiste son promoteur, pas rancunier, puisque la cote de popularité de Villepin ne cesse de s'effondrer dans les sondages.

Villepin a donc dû aller chercher du réconfort auprès des patrons. Il a réuni, à la veille de la journée de manifestation, une petite brochette de directeurs des ressources humaines de dix grands groupes, comme AXA, LVMH, Total ou IBM. Ces derniers l'ont assuré qu'ils joueraient le jeu et que "tous les recrutements en CDI seront maintenus" -ce qui ne les engage que modérément. Mieux encore, de nombreux CPE seront "transformés en CDI au bout d'un an, voire de six mois, car il n'est pas question de perdre les bons jeunes que nous avons choisis et formés", lui a promis l'un d'entre eux.

En fait, ce nouveau cadeau aux patrons, exonérés dans ce cas de charges sociales et dispensés de verser les primes de précarité attachés aux contrats à durée déterminée, permettra de porter la période d'essai d'un jeune salarié de moins de 26 ans à deux ans, et donc de se séparer de lui sans avoir à fournir de motif, "s'il ne fait pas l'affaire", comme ils disent, ce qui risque bien souvent d'être totalement subjectif. Une précarité... un peu moins précaire, osent avancer certains défenseurs du CPE, puisque celle-ci peut durer... deux ans, ce qui économiserait au jeune salarié la recherche de contrats à durée déterminée, enchaînés à la suite les uns des autres, de missions d'intérim ou autres contrats d'insertion.

Rien dans le CPE, comme le dénoncent les étudiants, en grève dans les universités pour exiger le retrait de cette mesure, ne peut en quoi que ce soit régler le problème du chômage des jeunes. Dans la tranche d'âge des 16-24 ans, près d'un quart des jeunes travailleurs sont chômeurs, selon des statistiques officielles dont on sait qu'elles décomptent pourtant de l'effectif des chômeurs nombre de jeunes réduits à des "petits boulots". Il ne s'agit là que d'un pas de plus dans la déréglementation du travail, un nouvel accroc dans les protections légales, pourtant limitées, que le code du travail accorde aux salariés. Dans les entreprises à travers l'intérim et les CDD, les patrons adaptent sans difficulté le nombre de salariés à ce qu'ils appellent "la demande", les fluctuations de leur activité, et ils taillent depuis des décennies dans les effectifs, souvent sans diminuer la production, bien au contraire, comme c'est le cas dans l'automobile.

Cet avatar "spécial jeunes" du CNE, le contrat nouvelles embauches, devrait, si Villepin maintient sa mesure malgré la vive impopularité qu'elle rencontre dans la population -65% de celle-ci considèrerait la mobilisation anti-CPE comme "justifiée"- dont 35% comme "très justifiée", représenter un volet supplémentaire dans l'éventail des emplois précaires à disposition des employeurs. Tous ces systèmes ont pour but de faciliter la flexibilité du travail au service des patrons, et pour effet de fragiliser et d'appauvrir les travailleurs, individuellement et par familles entières, car les quelque cinq millions de chômeurs que compte le pays ne font qu'augmenter par l'arrivée périodique de salariés précaires privés d'emploi, venant du secteur privé comme du public.

Chômeurs, travailleurs pauvres, intérimaires ou employés à temps partiel imposé ou bien sous les multiples contrats conclus à l'avantage des patrons ou tout simplement subissant les bas salaires bloqués depuis des années, personne ne se fait d'illusion sur l'efficacité de la nouvelle mesure du gouvernement. Mais pour faire baisser pavillon au patronat qui prépare attaque sur attaque contre le monde du travail, bien des mobilisations seront encore nécessaires.

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