Barrer la route à la précarité !08/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1962.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Barrer la route à la précarité !

Les manifestations du 7 mars pour le retrait du contrat première embauche ont rencontré un réel succès, non seulement à Paris mais aussi dans toutes les grandes villes de province, où les cortèges étaient deux fois plus importants que le 7 février.

Les jeunes, lycéens et étudiants, étaient particulièrement nombreux. Et c'est logique, puisqu'ils sont les premiers visés par ce texte qui constitue une nouvelle étape vers la généralisation de la précarité.

Le gouvernement ose présenter le CPE comme un remède au chômage des jeunes. Mais le CPE ne créera aucun emploi supplémentaire. Les patrons ne créent d'emplois nouveaux que s'ils en ont besoin. Grâce au CPE, les emplois qu'ils jugeront profitable de créer, ils pourront les créer dans des conditions encore plus favorables pour eux et encore plus défavorables pour les nouveaux embauchés. Un CPE de plus, ce ne sera pas un jeune chômeur en moins, comme le prétend le gouvernement, mais un contrat encore plus précaire à la place d'un CDD et à l'exclusion d'un CDI.

Le CPE est en fait un cadeau de plus aux patrons qui pourront, pendant deux ans, mettre à la porte le nouvel embauché sans même avoir à donner une justification. Les patrons qui embaucheront en CPE bénéficieront en prime d'une réduction des cotisations sociales, qui creusera un peu plus encore le déficit de la Sécurité sociale.

Mais si le CPE ne vise que les moins de 26 ans, tous les travailleurs sont concernés. Le CPE est la variante jeune du contrat nouvelles embauches, déjà à la disposition des patrons d'entreprises de moins de 20 salariés. Si on laisse faire le gouvernement et le patronat, la prochaine étape sera d'élargir le droit de licencier sans justification et sans obstacle légal, contenu dans le CPE et le CNE, à tous les nouveaux contrats. Aucun salarié n'est à l'abri de cette menace. Les travailleurs en CDI d'aujourd'hui, s'ils sont licenciés, même s'ils retrouvent un emploi, risquent fort de ne retrouver qu'un contrat précaire.

Tous les gouvernements des trente dernières années, sans exception, ont contribué à la généralisation de la précarité, en inventant chacun un nouveau type de contrat précaire assorti d'avantages divers pour les patrons, chaque fois avec pour justification d'inciter les patrons à créer des emplois supplémentaires. Mais les "incitations" n'ont augmenté que le nombre de contrats précaires, pas celui des emplois.

D'ores et déjà, une fraction croissante des salariés, aussi bien dans le privé que dans le public, vit sous la menace permanente de perdre son emploi du jour au lendemain, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour trouver un logement, pour faire un emprunt bancaire ou, tout simplement, pour subsister dans des conditions décentes. Mais le souhait du patronat est de remplacer la jungle de toutes les variétés de contrats précaires par la précarisation de tous les emplois.

Le patronat se sert du rapport de forces créé par la crainte des licenciements et du chômage pour imposer au fil des ans une dégradation considérable de la condition ouvrière: la précarité, mais aussi les bas salaires, la flexibilité, l'intensification du rythme du travail.

Bien au-delà du problème du seul CPE, il est urgent, il est vital pour l'ensemble du monde du travail de changer le rapport de forces par le seul moyen à sa disposition, l'action collective, les grèves, les manifestations, d'une ampleur susceptible de menacer les patrons dans ce qui est le plus cher à leur coeur: leurs profits.

La réussite de la journée du 7 mars ne suffira pas pour faire reculer le gouvernement sur le CPE, et encore moins pour faire reculer le patronat sur son offensive contre le monde du travail. Il ne le fera que si le 7 mars ne reste pas sans lendemain, que si les organisations syndicales ouvrières qui y ont appelé n'attendent pas des mois, ni même des semaines, pour appeler à une nouvelle action. C'est quand le fer est chaud qu'il faut le battre. C'est avec des réussites comme celle de cette journée que l'on peut redonner confiance à ceux qui ne croient plus à la possibilité de faire reculer patronat et gouvernement par la lutte. Ce sont de nouvelles étapes d'une vaste mobilisation du monde du travail que les organisations syndicales devraient préparer dès aujourd'hui.

Devant les députés, Villepin a eu l'hypocrisie de prétendre, avec le mépris de ceux qui font semblant de croire que la jeunesse, que les travailleurs n'ont pas compris sa politique, qu'il "respecte les inquiétudes et les peurs qui s'expriment dans notre pays". Eh bien, il faudra lui montrer encore plus fermement que nous l'avons au contraire très bien compris, et que ce n'est pas à notre peur, mais à notre colère, que le gouvernement et le patronat auront affaire.

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