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Arabie Saoudite : Pour Chirac, "Le client a toujours raison"
Le voyage effectué par Chirac en Arabie Saoudite du 4 au 6 mars avait un but immédiat: tenter de conclure des contrats. Cela concernait notamment Dassault, avec la vente d'avions Rafale pour 6 milliards d'euros, Thalès, avec celle d'un système de défense pour 7 milliards d'euros, et Total, avec le projet de construction d'une nouvelle raffinerie. À plus long terme, l'objet était aussi de permettre aux capitalistes français de participer à l'appel d'offres géant que lance ce pays.
L'Arabie Saoudite, premier producteur mondial de pétrole, essaie en effet depuis quelques années de ne plus être le client et l'obligé exclusif des USA, comme elle tente de ne pas être seulement un producteur de pétrole. Cela représente des possibilités de contrats pour les industriels de tous les secteurs, et cela explique que Chirac se soit rendu quatre fois dans ce pays depuis qu'il est président, qu'il ait assisté aux funérailles du défunt roi Fahd et qu'il ait reçu en grande pompe le nouveau roi Abdallah à Paris. C'est aussi pour être dans les bonnes grâces du régime saoudien qu'il a multiplié les déclarations louangeuses sur sa volonté de "progrès". D'après le président-VRP, le nouveau roi aurait "un ambitieux programme de transformations" et représenterait "la politique du renouveau". Rien que ça.
Que le régime ait des projets en matière économique, sans doute. Mais, malgré quelques timides déclarations d'intentions, l'Arabie Saoudite reste un royaume dictatorial aux moeurs rétrogrades. Le port de l'habit traditionnel et du voile islamique y est toujours obligatoire pour toutes les femmes, y compris les étrangères. Les femmes n'ont ni le droit de vote, ni celui de conduire une voiture, ni même celui d'adresser la parole à un inconnu. La police religieuse veille à ce que l'ordre moral soit strictement respecté. Au point qu'elle a, il y a trois ans, renvoyé dans les flammes, parce qu'elles n'avaient pas leur tenue réglementaire, des écolières qui fuyaient l'incendie de leur école. Quinze d'entre elles y ont péri.
Il y a chaque année plusieurs dizaines d'exécutions publiques, au sabre pour les hommes, au pistolet pour les femmes. Trois personnes ont été décapitées pour délit d'homosexualité en 2002. On peut être condamné à l'amputation de la main, à la flagellation publique et même à l'arrachage de dents... Il n'existe pas de salle de cinéma, dans un pays de 26 millions d'habitants, car le cinéma est considéré par les religieux comme un facteur de dépravation.
Bien sûr, il s'agit là de lois qui s'appliquent à la vie publique. Elles n'empêchent pas les mêmes riches émirs qui les imposent à toute la population de consommer de l'alcool ou de regarder des films pornographiques à la maison ou lors de leurs voyages à l'étranger. Mais en même temps qu'ils imposent cet ordre moral, ils proscrivent les droits les plus élémentaires. Ni partis politiques, ni syndicats, ni journaux indépendants ne sont tolérés. Le droit de grève n'existe pas. En revanche, bien des familles riches possèdent des esclaves domestiques.
C'est le monarque absolu de ce pays que Chirac a serré dans ses bras pour lui glisser à l'oreille quelques propositions de contrats. Car ce régime moyenâgeux a tout l'argent qu'il faut pour équiper son armée en avions de combat et entretenir une police toute-puissante. Et c'est une oppression terrible pesant sur des millions de femmes et d'hommes que la visite d'un Chirac contribue à renforcer politiquement, avant de le renforcer matériellement grâce aux fournitures guerrières de Dassault, Thalès et compagnie.