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Leur société
L’assassinat d’Ilan Halimi : De l’indignation légitime à la récupération politicienne
L'enlèvement d'Ilan Halimi, les tortures auxquelles il a été soumis et son assassinat par une bande de voyous soulèvent le coeur.
Que ce crime crapuleux, sadique, ait une connotation antisémite est une évidence. La teneur des messages adressés à la famille d'Ilan Halimi le prouve suffisamment. Mais affirmer comme l'ont fait le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives) et les autorités religieuses juives que toute la «communauté» juive est en danger en France relève d'une opération politico-religieuse qui a vite été relayée par la quasi-unanimité des partis politiques, du Front National au Parti Socialiste.
L'antiracisme de beaucoup de ces gens-là est pourtant plus que sujet à caution. Les militants de l'extrême droite nationaliste juive qui ont manifesté le dimanche 19février ont agressé un passant africain et renversé l'étalage d'un commerçant maghrébin. Les partis de De Villiers et de Le Pen, qui flirtent sans arrêt avec le racisme, ont participé à la manifestation du dimanche 26février. Chirac a été tellement ému par la mort d'Ilan Halimi qu'il a oublié les propos qu'il avait tenus naguère sur «l'odeur» des immigrés. Le président du CRIF, Cukierman, enfin, avait oublié sa réflexion de 2002 selon laquelle la montée de Le Pen était «un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles».
Quant à la lutte contre l'antisémitisme, mieux vaut ne pas faire confiance à l'État français et à ses serviteurs: Papon, reconnu coupable d'avoir organisé la déportation, et donc d'avoir envoyé à la mort, des centaines de Juifs de Bordeaux, bien que condamné, profite tranquillement de sa retraite de préfet et de ministre de la République.
On a entendu les journalistes et hommes politiques parler abondamment des diverses «communautés» et du fait qu'il ne faudrait pas qu'elles s'affrontent. Ils ont donné la parole aux religieux de toutes les obédiences et affirmé que leurs «communautés» étaient soudées derrière eux. Qu'importe que la majeure partie des gens ne se sentent aucunement représentés par des religieux, fussent-ils de la même chapelle que leurs ancêtres. Qu'importe que, parmi les organisations juives, plusieurs se soient démarquées de la récupération politicienne et communautariste faite par le CRIF. Qu'importe l'opinion de ceux qui ne veulent pas être rangés dans une case communautaire. Les politiciens ont pour habitude de déplorer la montée du communautarisme dans leurs discours, mais ils le répandent ou lui cèdent dès que l'occasion s'en présente.
Ces discours ont de plus été accompagnés de l'habituel mépris envers les plus pauvres. Une partie de la presse écrite et télévisée a dénoncé la prétendue «indifférence» des habitants de la cité de Bagneux où avait été séquestré Ilan Halimi. Comme si, lorsqu'on habite une cité, on était obligatoirement au courant de ce qui se déroule dans ses sous-sols. Comme si, également, la prétendue indifférence des voyageurs du RER D lors d'une fausse agression raciste n'aurait pas dû inciter les journalistes à la prudence.
Mais il est vrai que pour vendre du papier certains sont prêts à raconter n'importe quoi. On a donné beaucoup moins d'importance aux témoignages des habitants de la cité de Bagneux qui expliquaient que, de toute manière, leurs nombreuses plaintes auprès de la police sur ce qui se passait habituellement dans les sous-sols des immeubles n'étaient jamais suivies d'effet.
Lundi 27 février, dans l'Est, on a retrouvé le cadavre d'un homme. Il avait été séquestré et torturé pendant deux jours parce que des voyous le croyaient riches. Il s'appelait Benoît Savéan, c'était un ouvrier d'origine bretonne de Peugeot-Citroën et ses tortionnaires sont une bande de paumés pour la plupart aussi «chrétiens» que lui.
Comme quoi, si l'antisémitisme a joué un rôle dans le meurtre d'Ilan Halimi, il n'y a pas besoin de cela pour expliquer des meurtres aussi horribles. Tuer pour de l'argent est malheureusement courant dans ce monde. Cela se voit tous les jours à la rubrique internationale, souvent à la rubrique économie et parfois aussi, hélas, à la rubrique faits divers.