Ile de la Réunion : Trop-plein de moustiques... et de ministres!02/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1961.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ile de la Réunion : Trop-plein de moustiques... et de ministres!

Après les ministres de l'Outre-mer, de la Santé, du Tourisme, c'est le premier d'entre eux qui, à grands renforts de publicité et de soutiens médiatiques, est venu sur l'île de la Réunion apporter l'aide de l'État dans la lutte contre l'épidémie de chikungunya.

Baroin, qui avait précédé Villepin, n'avait pas dévoilé le montant des fonds que le gouvernement serait prêt à débloquer, voulant sans doute lui laisser l'effet d'annonce.

C'est donc à une centaine de millions d'euros que devraient se monter les sommes destinées non seulement à combattre le chikungunya mais surtout à faire face aux conséquences de l'épidémie.

Vingt-deux millions d'euros devraient être consacrés à la crise sanitaire et à la prévention. Dans ce domaine, l'État a promis de financer des produits anti-moustiques qui seront mis à la disposition du Conseil général et des communes, ces dernières étant chargées de distribuer gratuitement ces produits aux personnes âgées, aux femmes enceintes, aux enfants en bas âge, ainsi qu'aux plus pauvres de l'île. La recherche de nouveaux médicaments et de vaccins sera financée à hauteur de neuf millions d'euros. Quant aux 60 millions restants, ils seront mis à la disposition des patrons pour les aider à passer le cap difficile. Et ce n'est peut-être là qu'un acompte pouvant être révisé à la hausse en fonction des besoins.

Sitôt cette somme annoncée, le problème de sa répartition s'est immédiatement posé. Le Medef a d'abord réservé sa position, tout comme le Comité du tourisme, lui aussi sceptique sur les modalités de répartition des aides. L'un et l'autre auraient évidemment aimé pouvoir s'attribuer un maximum d'aides; ce qui se fera certainement au détriment des petits patrons dont la plupart craignent qu'aucune aide ne leur arrive, car elles auront été au passage accaparées par plus gros qu'eux.

Mais ce sont surtout les travailleurs qui sont les laissés pour compte des «largesses» de l'État. Des organisations syndicales ont d'ailleurs fait remarquer à juste raison que «les salariés étaient exclus du plan Villepin». Celui-ci a en effet été très bref sur la situation des travailleurs touchés par le virus. Rien par exemple n'a été annoncé concernant une prise en charge de leurs pertes de revenus liées à la maladie. Les trois jours de carence qui équivalent à une perte d'au moins 120 euros ne seront pas indemnisés. De la même façon, l'indemnité journalière versée par la Sécurité sociale aux salariés en congé maladie, et toujours inférieure au salaire, ne sera pas non plus compensée. La perte se monte à un minimum de 25,30 euros par jour de maladie. Au final, cela représente des sommes considérables, toutes prélevées dans la poche des travailleurs, c'est-à-dire de ceux qui en ont le plus besoin.

La seule chose qu'ait annoncée Villepin c'est le remboursement intégral des médicaments contre la douleur, dès lors qu'ils sont prescrits par un médecin. Mais le sort des plus démunis importe si peu au Premier ministre et à ses conseillers qu'ils ont oublié d'exonérer les malades hospitalisés du forfait hospitalier.

La visite de Villepin avait aussi pour but de tenter d'effacer les carences de l'État durant toute la phase de développement de la maladie. À plusieurs reprises, il a répété d'une façon qui se voulait définitive que personne ne pouvait prévoir que l'épidémie de chikungunya puisse devenir aussi grave. Au moment où Villepin parlait, la maladie avait touché au bas mot 160000 personnes et provoqué directement ou indirectement près de 80 décès.

Graphique à l'appui, Villepin a donc tenté de convaincre que le tournant de l'épidémie avait eu lieu récemment, en janvier de cette année, oubliant que durant les premiers huit mois de l'année 2005 des milliers de Réunionnais avaient été infectés par le virus, ce que les autorités gouvernementales ne pouvaient ignorer. Deux parlementaires du Parti Communiste Réunionnais avaient d'ailleurs interpellé le gouvernement à l'Assemblée et au Sénat. Mais celui-ci était resté sourd. Voilà l'exacte vérité.

Il a en fait fallu que l'épidémie touche de plus en plus de monde, que des secteurs entiers de l'économie soient eux aussi touchés par le développement de la maladie, pour que des mesures commencent à être prises, au début avec parcimonie. Certes, l'État a fini par donner quelques dizaines de millions d'euros, mais en choisissant les heureux élus parmi la classe des riches et en évitant soigneusement les plus pauvres.

De toute façon, les travailleurs réunionnais ne se sont jamais fait d'illusions sur la générosité de l'État, beaucoup n'ayant pas oublié que bien des promesses faites après le passage en janvier 1989 du cyclone dévastateur Firinga n'ont à ce jour toujours pas été tenues. Certains, et en particulier parmi les plus démunis, attendent toujours les maigres indemnisations promises à l'époque.

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