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Dans le monde
Allemagne : Au-delà de la grève dans les services publics, la riposte générale nécessaire
Le mouvement de grève des travailleurs des services publics est entré dans sa quatrième semaine en Allemagne.
Les services publics emploient, au total, 4,7 millions de personnes, dont trois millions d'agents. Les autres sont fonctionnaires et n'ont pas le droit de grève. Seules plusieurs catégories sont concernées par le mouvement actuel. Il y a d'abord les employés communaux de l'ouest du pays, dont les employeurs ont dénoncé la convention collective en octobre dernier, deux mois après son entrée en vigueur, pour pouvoir faire passer le temps de travail de 38h30 à 40heures par semaine, sans augmentation de salaire. Par ailleurs, les employés des Länder sont en lutte contre la volonté des autorités de ne pas signer cette même convention, afin de pouvoir allonger le temps de travail jusqu'à 41 heures par semaine et réduire les primes de Noël et de congés payés. En Bavière, elles veulent même imposer un horaire de 42 heures, qui s'applique déjà aux fonctionnaires de ce Land. Enfin, les travailleurs des cliniques universitaires réclament -afin de bénéficier d'un minimum de protection- l'application de la convention collective qui régit déjà les hôpitaux communaux.
Face à ce mouvement, les autorités ont montré tout leur mépris à l'égard de ceux qui font fonctionner les services publics. Elles ont tenté de les discréditer et de monter l'opinion publique contre eux. Dans un certain nombre de villes, des chômeurs employés dans les «jobs à un euro de l'heure», sous menace de voir leurs allocations diminuées, ont été utilisés, illégalement, pour remplacer les grévistes, parfois sous la protection de la police. Et des municipalités envisagent de transférer de nouveaux services publics à des sociétés privées, qui paient leurs salariés à des tarifs inférieurs.
Cela n'a pas empêché le ras-le-bol de s'exprimer. Lors du référendum sur la grève organisé le 2 février dans le Bade-Wurtemberg, 94,7% des syndiqués de ver.di, la fédération syndicale des travailleurs des services, se sont ainsi prononcés pour la lutte. Et le résultat a été du même ordre ailleurs. Et dans les assemblées de grévistes, on entend souvent: «Nous devons travailler encore plus longtemps, alors qu'il y a déjà 5 millions de chômeurs. S'il y a plus de travail, qu'ils embauchent.» Et: «Où nos enfants trouveront-ils du travail, si cela continue comme cela?» Ces préoccupations sont celles de l'ensemble des travailleurs, quel que soit leur statut ou leur secteur d'activité. Face aux attaques incessantes qui se multiplient dans tous les domaines, une riposte d'ensemble serait nécessaire. D'autant plus que, dans la métallurgie, les conventions collectives, qui concernent 3,4 millions de salariés, arrivent à expiration fin février. Les premières grèves d'avertissement dans cette branche ont commencé le 1er mars, contre la volonté des patrons d'accorder des augmentations de salaire misérables.
Bien sûr, personne ne sait si les travailleurs répondraient massivement présent s'ils étaient appelés à se battre tous ensemble. La démoralisation pèse et dans de nombreux secteurs du service public, ce sont les militants de base de ver.di qui ont poussé au mouvement. Mais ils ont aussi été surpris de trouver du répondant, souvent parmi les catégories les moins bien payées.
De leur côté, les dirigeants syndicaux ont, depuis des années, avalisé reculs sur reculs. Ainsi la convention collective des services publics signée l'an passée par ver.di prévoit que les employés soient payés non plus selon leur ancienneté mais selon leurs «performances». Et si le syndicat a engagé, le 6 février, ce qu'il appelle une grève «illimitée», il est plus juste de parler de grève «flexible», bien différente du dernier conflit dans ce secteur, en 1992, où tous les travailleurs avaient fait grève en même temps.
Pendant la première semaine, les actions ont été limitées au Bade-Wurtemberg avant d'être étendues à d'autres Länder. À tour de rôle les agents hospitaliers, les éboueurs, les employés des cantines scolaires, ceux qui assurent l'entretien des autoroutes, etc., font grève une journée, mais pas partout en même temps. Tout cela entretient une agitation mais est loin de créer le rapport de forces suffisant pour faire remballer aux pouvoirs publics leur provocation. D'autant plus que, à la recherche d'un accord, le président de ver.di, Franz Bsirke, vient de proposer, le 26 février, un accord qui consisterait à accepter un temps de travail différent en fonction de l'âge, quelques heures de moins pour les plus âgés... et plus pour les autres.
Alors la grève risque bien de se conclure sur un compromis qui représenterait une aggravation par rapport à ce qui était en vigueur il n'y a pas si longtemps. Mais il faut souhaiter que la mobilisation actuelle, le fait que des catégories qui n'avaient jamais fait grève s'y soient engagées aident le monde du travail à retrouver confiance dans la force collective qu'il représente.